Opposition à l’enregistrement d’une marque dans le domaine viticole

L’INPI considère qu’un consommateur porte une attention particulière aux marques lorsqu’il achète du vin. C’est l’un des enseignements de sa décision du 1er août 2024 et l’une de ses divergences avec l’Office européen (EUIPO). Les marques de vins arborent souvent pour partie des termes identiques, pour désigner des familles ou des lieux. Elles présentent alors des ressemblances visuelles, phonétiques ou intellectuelles. Toutefois, le consommateur fait preuve d’une attention plus importante lors de l’achat de vins que pour d’autres produits. Et cela évite tout risque de confusion selon l’Office français.

opposition marque vinicole

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Opposition dans le domaine des vins

Un dépôt de marque ALEXANDRINE CHEVIGNY ROUSSEAU est publié à l’INPI. Le titulaire de la marque antérieure semi-figurative CHEVIGNY forme opposition à l’enregistrement de cette marque. Les produits visés sont identiques, à savoir les vins.

 

L’INPI, dans sa décision du 1er août 2024 (OP 24-0464), compare en premier lieu les signes en présence. Les différences visuelles et phonétiques sont relevées. C’est principalement sur le plan intellectuel que les écarts sont présents : le dépôt contesté évoque une femme tandis que la marque antérieure désigne le seul terme Chevigny, évocateur d’un nom géographique.

 

La présence d’un blason ne suffit pas à relier immédiatement le terme Chevigny à un patronyme. L’INPI considère que le blason peut aussi bien identifier un lieu géographique, comme c’est le cas pour Monaco.

 

Les signes en présence produisent une impression d’ensemble différente. Dans le dépôt contesté, le terme Chevigny n’est pas isolé ni mis en valeur mais apparaît au contraire dans des caractères identiques aux autres termes. Le signe sera donc perçu dans sa globalité, sans isoler le terme Chevigny, dépourvu de position spécifique.

 

Le demandeur est familier des procédures. Il a déjà obtenu l’annulation de la marque DOMAINE PASCAL CHEVIGNY en 2020 en classe 33 (vins). En revanche, il a perdu sa procédure d’opposition à l’enregistrement de la marque CHATEAU CHEVIGNY LES TOURELLES pour des arguments similaires à ceux de la présente décision.

 

L’INPI en déduit qu’il n’existe pas de risque de confusion entre les deux marques en présence. Cette décision peut étonner dans la mesure où Chevigny n’est pas un domaine viticole connu.

Appréciation de l’attention du consommateur pour une marque viticole

Cette décision est intéressante pour son rappel de l’appréciation particulière de l’attention du consommateur en matière de vins.

 

Dans le domaine viticole, le consommateur a l’habitude de comparer des noms composés en partie de termes identiques, que ce soit des noms de famille ou des noms géographiques.

 

Selon l’INPI, le consommateur porte donc une attention particulière aux marques de vins, même s’il n’est pas spécialiste en la matière : “Il sera d’autant plus apte à différencier les signes en présence qui possèdent de grandes différences visuelles, phonétiques et intellectuelles”.

 

Cette appréciation de l’attention du consommateur en matière de vins a déjà été affirmée par l’INPI à plusieurs reprises. Certains commentateurs estiment que cela n’est vrai qu’en matière de grands vins ou lorsque le consommateur peut déceler la présence d’une AOP ou d’une IGP.

 

Attention, certains tribunaux judiciaires français et européens ne partagent pas cette appréciation. Le Tribunal de l’Union européenne estime que les vins sont destinés à un large public, compte tenu de leur distribution en grande surface comme dans les cafés. Il s’agit donc d’un produit de consommation courante.

 

Le public pertinent est le consommateur moyen des produits de grande consommation. Ce consommateur, normalement informé et raisonnablement attentif, fera preuve d’un niveau d’attention raisonnable à l’égard des vins (TUE, 14 mai 2012).

 

Ces divergences montrent l’intérêt de faire appel à un avocat en propriété intellectuelle. Il sait trouver les arguments décisifs en fonction du tribunal ou de l’office concerné, sur la base de la jurisprudence. C’est essentiel lorsqu’il existe des divergences comme ici, en matière d’appréciation de l’attention du consommateur.

 

Stéphane Bellec avocat propriété intellectuelle

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