20minutes.fr, 20 août 2012
SUJET : Droit des marques
INTERVIEW – Olivier de Baecque, avocat spécialiste du droit des marques, explique pourquoi Unilever refuse de céder sa marque de thé Elephant aux repreneurs de l’usine Fralib…
Pour Unilever le débat est clos: il n’est pas question que le géant anglo-néerlandais des produits de grande consommation cède sa célèbre marque de thé Elephant, ni même qu’elle sous-traite une partie de sa production au site Fralib de Gemenos qui en assurait jusqu’à présent la fabrication.
Paul Polman, le PDG du groupe l’a clairement exprimé lundi dans une interview au Figaro. Une réponse sans ambiguïté au président de la République François Hollande qui avait demandé pendant la campagne électorale que la marque «puisse être cédée gratuitement». Pourquoi Unilever résiste-t-il et que peut faire le gouvernement? Le décryptage d’Olivier de Baecque, avocat associé en charge du département marque au sein du cabinet de Baecque.
A qui appartient une marque et comment peut-elle être cédée?
En France, une marque doit être déposée devant l’INPI et appartient à son titulaire à compter du dépôt. Elle peut aussi être déposée au niveau communautaire, pour que cette propriété soit établie dans toute l’Europe. Lors du redressement ou de la liquidation judiciaire d’une société, le repreneur peut racheter la marque. Encore faut-t-il que la société en difficulté soit titulaire de la marque. Dans les autres hypothèses, il faut l’accord du titulaire de la marque.
Alors pourquoi Unilever refuse-t-il de céder Elephant?
Théoriquement, on pourrait imaginer avoir une marque française Eléphant qui désigne du thé, appartenant à une société, et une marque étrangère Elephant qui désigne également du thé et qui appartienne à Unilever. Mais cela me paraît totalement inenvisageable dans la pratique: céder un actif aussi précieux serait se tirer une balle dans le pied pour un groupe à vocation mondiale comme Unilever. En effet, il est pour lui essentiel d’avoir une couverture complète pour ses marques, dans toute l’Europe et dans le monde.
Le gouvernement peut-il l’y contraindre, en adoptant notamment une nouvelle loi encadrant les fermetures d’usines?
En l’état du droit c’est impossible. Rédiger un texte en ce sens poserait des difficultés juridiques et factuelles considérables. Juridiques d’abord, parce que forcer une société à céder une marque reviendrait à une expropriation et que la Constitution française protège le droit de propriété. Des difficultés factuelles ensuite, parce que la marque peut appartenir à une société mère (étrangère ou non) et le fabricant-exploitant local serait alors un simple licencié.