PETRUS ou le revers d’une trop grande notoriété
SUJET : DROIT DES MARQUES – Une nouvelle bataille judiciaire épique s’est achevée devant la chambre criminelle de la Cour de Cassation au sujet de la protection du célèbre nom PETRUS. En l’espèce, l’exploitation d’une marque complexe comprenant le nom Petrus Lambertini pour des vins peu onéreux ne constitue pas une pratique commerciale trompeuse.
Comment protéger un vin aussi célèbre que Petrus ?
La star des vins de Bordeaux se défend sans relâche contre les tiers qui veulent tirer profit de la notoriété du célèbre Pomerol. Elle a ainsi attaqué pour pratique commerciale trompeuse une société commercialisant des vins sous une marque complexe comprenant le terme PETRUS. Notons qu’elle avait perdu une procédure d’opposition contre l’enregistrement de cette même marque.
La société attaquée est donc titulaire de la marque COUREAU & COUREAU PETRUS LAMBERTINI MAJOR BURDEGALENSIS 1208 qu’elle exploite habilement en mettant en avant PETRUS LAMBERTINI puis de manière symbolisée « major burdegalensis 1208 ». La marque fait référence au nom latin du premier maire de Bordeaux au XIIIème siècle. Surtout, la société ajoute la mention « SECOND VIN » alors qu’aucun premier vin n’existe.
Le tribunal correctionnel avait accueilli la demande de la société Château Petrus mais la cour d’appel de Bordeaux relaxe les prévenus. La chambre criminelle rejette le pourvoi formé par l’illustre vignoble le 12 juin 2019.
Un consommateur attentif pour apprécier un grand vin comme Petrus
Pour la cour, l’utilisation d’un nom porteur comme Petrus ne suffit pas à induire en erreur le consommateur moyennement averti en matière de vins. Même s’il ne sait pas que Petrus est un Pomerol alors que Petrus Lambertini est un Côtes de Bordeaux, le consommateur peut facilement trouver cette information.
En outre, si la pratique des seconds vins est fréquente pour développer les ventes, la gamme de prix doit être cohérente. Ainsi, le consommateur moyen sait qu’un vin comme Petrus ne peut être décliné dans une seconde gamme au prix de 10 euros la bouteille.
« Une utilisation habile de la marque pour attirer l’attention du consommateur ne revient pas forcément à le tromper ou risquer de le tromper » d’après la cour d’appel. En l’espèce, elle considère que la comparaison des deux étiquettes de vin génère des impressions d’ensemble différentes.
Faute d’avoir étudié la décision de la Cour de cassation en détail, la plupart des médias ont crié à la fin de la protection du nom PETRUS, ce qui est très exagéré. On peut d’ailleurs s’étonner que PETRUS n’ait pas porté le litige sur le terrain du code de la propriété intellectuelle plutôt que sur celui du code de la consommation. L’opposition perdue contre l’enregistrement du dépôt de marque est peut-être à l’origine de ce choix tactique.
Ni la validité des marques PETRUS, ni leur notoriété, n’ont été remises en cause. La cour estime le consommateur suffisamment pertinent pour faire la différence entre un Pomerol à 3000 euros et un Côtes de Bordeaux à 10 euros. La notoriété est telle qu’elle empêche paradoxalement un risque de confusion !
Stéphane Bellec, avocat associé du Cabinet De Baecque, Fauré, Bellec
Avocat Propriété Intellectuelle
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