Acquisition du caractère distinctif d’une marque par l’usage
Le caractère distinctif d’une marque est une condition essentielle de sa validité. S’il fait défaut lors du dépôt, la marque peut néanmoins acquérir un caractère distinctif par son exploitation. La Cour de cassation a récemment rappelé à quelle date il convient d’apprécier l’acquisition du caractère distinctif par l’usage, dans l’affaire ASPIVENIN.
Le caractère distinctif de la marque ASPIVENIN
La marque semi-figurative française ASPIVENIN est déposée en 1984, et renouvelée depuis, pour désigner notamment, en classe 10, les “pompes d’hygiène médicale à aspirer le venin”. Le titulaire de la marque intente une action en contrefaçon à l’encontre de plusieurs sociétés. Ces dernières demandent et obtiennent l’annulation de la marque pour défaut de caractère distinctif.
Dans une décision du 13 octobre 2021, la Cour de cassation censure cette annulation. Elle s’appuie sur différents textes :
- l’article 6 quinquies C de la convention de Paris,
- l’article L 711-2 du Code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019,
- l’article 52-2 du règlement n° 207/2009 sur la marque communautaire.
La cour reconnaît tout d’abord l’absence de caractère distinctif de la marque : l’aspect semi-figuratif se limite à une police de caractères spécifique et demeure donc très faible. La combinaison des éléments ASPI et VENIN se comprend immédiatement comme décrivant la qualité essentielle du produit, à savoir aspirer le venin. Dès le dépôt, le public pertinent, des professionnels de santé et utilisateurs francophones, assimilait le produit ASPIVENIN à ce rôle. Dès lors, la fonction essentielle de la marque n’était pas assurée puisqu’elle ne permettait pas de distinguer ce produit de ceux des concurrents.
L’acquisition du caractère distinctif par l’usage
La cour d’appel a estimé que la marque n’avait pas acquis un caractère distinctif par l’usage au moment de son dépôt. Elle limite son examen aux seuls éléments fournis par le titulaire de la marque, antérieurement à la date de dépôt.
La Cour de cassation lui reproche de ne pas avoir cherché si le caractère distinctif par l’usage n’avait pas été acquis depuis le dépôt. Cette position n’est pas nouvelle. La Cour de cassation avait déjà affirmé que le caractère distinctif d’une marque pouvait être acquis par l’usage de la marque postérieurement à son enregistrement. Ce fut notamment le cas dans un procès relatif à la marque VENTE PRIVEE (Cour de cassation, 6 décembre 2016). Quelques juges semblent encore résister et nécessitent périodiquement un rappel de la haute juridiction.
Le choix d’une marque est un processus créatif et juridique. Elle obéit à des règles strictes françaises et européennes, pour bénéficier d’une protection. Il est essentiel de travailler avec un avocat en marques dès les premières étapes. Cela permet d’obtenir un enregistrement plus rapide et plus sûr de ses noms.
Stéphane Bellec, avocat associé du Cabinet De Baecque Bellec
Avocat Propriété Intellectuelle
Tél. + 33 (0) 1 53 29 90 00
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