Cession des contrats de marque après un redressement ou une liquidation judiciaire
Les règles en matière de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire sont les mêmes en matière de cession des contrats de marque que celles relatives à la cession du fonds de commerce. Ainsi, la cession du fonds de commerce n’emporte pas cession des contrats conclus par la société. La cession des contrats a alors pour but d’assurer le maintien des activités susceptibles d’exploitation autonome, et donc des marques qui y sont attachées, et d’apurer le passif. Les articles L 642-1 et suivants du Code de commerce encadrent cette cession des contrats de marque qui peut être totale ou partielle.
Cession des contrats de marques dans les entreprises en difficulté
Le juge va recevoir des offres de tiers de l’entreprise cédée, présentant des plans de cessions afin d’obtenir le bénéfice de certains contrats nécessaires à l’activité de l’entreprise en difficulté. Les contrats de licence de marques sont donc au cœur de ce plan.
Dans ce cadre, il convient tout d’abord de déterminer quels sont les contrats qui peuvent être cédés à cette occasion. L’article L.642-7 du Code de commerce, qui est d’interprétation stricte, vise exclusivement « les contrats de crédit-bail, de location ou de fourniture de biens ou services nécessaires au maintien de l’activité au vu des observations des cocontractants du débiteur transmises au liquidateur ou à l’administrateur lorsqu’il en a été désigné ».
Les contrats de licence de brevet ont été expressément reconnus comme appartenant à la catégorie des contrats de fourniture de service (CA Colmar, 13 juin 1990). Les contrats de licence de marque relèvent de la même approche. Ces derniers peuvent donc être visés dans les plans de cessions.
Le caractère « nécessaire au maintien de l’activité » relève de l’appréciation souveraine du juge. Il prendra notamment en compte les aspects économiques des biens sans lesquels l’entreprise cédée ne peut poursuivre son activité.
La particularité de ces cessions de contrats est que le caractère intuitu personae des engagements n’est pas pris en compte, il s’agit là d’une très importante exception au droit commun des contrats : le consentement du cocontractant n’est pas requis. Il est donc possible qu’un tiers puisse exploiter la marque ainsi acquise sans que le déposant n’y ait consenti.
Modalités des cessions de contrats
Parmi les contrats mentionnés expressément dans le plan de cession, le repreneur ne peut sélectionner ceux qui l’intéressent en délaissant les autres. Toutefois le tribunal ne peut pas lui imposer la reprise d’un contrat qui aggraverait les engagements qu’il a souscrits au cours de la préparation de son offre qui ne mentionnait pas la reprise de ce contrat.
Les contrats sont transférés à la date du jugement. Toutefois une atténuation a dû être apportée dans la pratique afin de différer « le transfert des droits et obligations résultant de ceux-ci (qui) ne prend effet qu’à la date de conclusion des actes de cession ou de la prise de possession par le cessionnaire ». Avant ce transfert, les charges restent donc afférentes au débiteur, sauf à ce que la gestion en soit confiée au cessionnaire en amont, à la date du jugement.
La cession de contrat s’opère par l’effet d’une substitution de débiteur à égalité de conditions, ce qui a plusieurs implications sur les relations entre les acteurs.
Tout d’abord, le créancier et le cédant se trouvent alors dans des positions opposées. Si le cédant est libéré du contrat pour l’avenir, le créancier lui ne pourrait obtenir la résiliation du contrat que sur le fondement du droit commun applicable au contrat.
Ensuite, le cédant ne garantit pas le cessionnaire, car la cession lui a été imposée. L’article L. 642-7 du Code de commerce ne reprend pas l’ancien article L. 621-88 du même code qui permettait d’octroyer des délais de paiement au cessionnaire, cette possibilité doit donc être considérée comme abandonnée. Il revient donc au tribunal de vérifier, avant de prononcer le jugement, que le cessionnaire potentiel dispose d’une solvabilité suffisante pour assurer les obligations du contrat cédé.
Que deviennent les contrats en dehors du plan de cession ?
Il reste encore à déterminer le sort des contrats qui ne sont pas visés dans le plan de cession.
Jusqu’à l’ordonnance du 12 mars 2014, le texte restait muet sur ce sujet. Avant cette ordonnance, la Cour de cassation retenait que le jugement arrêtant le plan de cession n’avait pas pour effet de résilier le contrat non cédé. Le créancier devait par la suite agir en justice à ses frais pour demander la résiliation du contrat non repris en se fondant sur le défaut de paiement du cessionnaire. La Cour de cassation a donc pu sanctionner un tribunal qui avait excédé ses pouvoirs en annulant un contrat qui n’avait pas été visé dans le plan de cession alors qu’il n’était saisi que pour statuer à ce sujet (Cass. Com. 10 mars 2009). Si une partie de la doctrine soutenait que la résiliation anticipée du contrat devrait ouvrir droit à des dommages et intérêts pour le créancier, ni la jurisprudence ni le législateur ne sont allés dans ce sens.
Suite à l’ordonnance de 2014, l’article L. 642-7 énonce à son dernier alinéa que le cocontractant du contrat non cédé peut en demander la résiliation au juge-commissaire, sous réserves que le liquidateur ne s’y oppose pas sans qu’il ait besoin de motiver sa décision.
Le cocontractant d’une entreprise qui fait l’objet d’un plan de cession est alors dans une position beaucoup plus incertaine que dans le cas des sauvegardes de justice et de redressement judiciaire. Pour rappel, dans ces cas-là les contrats qui ne sont pas maintenus suite à la mise en demeure de l’entreprise en difficulté sont résiliés de plein droit. Il en résulte que la solution retenue par l’ordonnance de 2014 est imparfaite et qu’il est donc conseillé aux cocontractants concernés d’être très vigilants à ce niveau-là.
Stéphane Bellec, avocat associé du Cabinet De Baecque Bellec
Avocat Propriété Intellectuelle
Tél. + 33 (0) 1 53 29 90 00
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