Caractère sérieux de l’usage de marque
L’action en déchéance en cas de non-usage de marque est prévue dans de nombreuses législations européennes. Cela permet de libérer des signes qui ne seraient pas exploités par leur titulaire pendant une période de 5 ans. Le caractère sérieux de l’usage de marque donne lieu à de nombreuses discussions au sein de la doctrine et de la jurisprudence. La CJUE (Cour de justice de l’Union européenne) a apporté sa pierre à l’édifice dans une décision MAXXUS du 10 mars 2022.
L’usage sérieux dans l’action en déchéance
Afin de permettre une effectivité optimale du droit des marques, la majorité des systèmes ont introduit la possibilité d’agir en déchéance d’une marque pour défaut d’usage sérieux durant une période de cinq années non interrompues. Il s’agit de garantir la disponibilité des signes qui ne sont pas utilisés par leur titulaire. Par exemple, en droit français, c’est l’article L 714-5 du Code de propriété intellectuelle qui régit la déchéance pour non-usage.
La jurisprudence et la doctrine n’ont de cesse de s’intéresser à la définition du caractère sérieux de l’usage de marque constaté. Apprécié in concreto, la pratique a tout de même dégagé des critères pouvant servir à tracer une tendance, même si ce point fait régulièrement l’objet de contradictions à l’occasion de litiges.
La charge de la preuve d’usage sérieux
Le second débat relatif à la déchéance de marque pour défaut d’usage sérieux se situe au niveau de la charge de la preuve. En effet, ce point n’est pas explicitement traité par le RMUE (Règlement sur la marque de l’Union européenne), qui a pour rôle d’harmoniser les législations européennes en matière de droit des marques. Pour la CJUE, « la charge de la preuve du fait qu’une marque [enregistrée dans un État membre] a fait l’objet d’un “usage sérieux” pèse sur le titulaire de cette marque » (source : points 80 et 82 de la décision du 10 mars 2022).
Cette décision est conforme à la jurisprudence FERRARI de cette même cour (décision du 22 octobre 2020).
Mais une question restait en suspens : est-il possible de prévoir au niveau national que le demandeur à l’action doit démontrer la réalité des faits qu’il invoque (charge de la réalité des faits) avant que le titulaire du droit sur la marque ne doive apporter la preuve de l’usage sérieux (charge de la preuve) ? Le droit allemand applique notamment cette distinction. Le demandeur fournit un document récapitulatif dans lequel il invoque la réalité des faits au soutien de sa demande.
C’est à cette question qu’a dû répondre la CJUE sur renvoi préjudiciel du Landgericht Saarbrücken (tribunal régional de Sarrebruck en Allemagne). La CJUE est très claire et réaffirme que la preuve du caractère sérieux de l’usage de marque repose exclusivement sur le titulaire de la marque. L’abus de droit permettra de sanctionner toute action abusive en déchéance et il est donc inutile de devoir établir la réalité des faits.
Stéphane Bellec, avocat associé du Cabinet De Baecque Bellec
Avocat Propriété Intellectuelle
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