Validité d’une marque reproduisant le symbole européen des IGP : l’affaire Steirisches Kürbiskernöl
Une marque reproduisant le symbole européen des indications géographiques protégées (IGP) est déclarée valide par le Tribunal de l’Union européenne (TUE) dans une affaire Steirisches Kürbiskernöl. Le Tribunal relève en effet qu’il n’est pas établi que la marque est de nature à induire le public en erreur quant à l’existence d’un lien entre son titulaire et l’autorité à laquelle renvoie le symbole concerné. La décision va à l’encontre de la protection accordée aux emblèmes et aux IGP.
Validité d’une marque et IGP : l’exigence d’un lien entre le signe et l’autorité désignée par le symbole
L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) admet à l’enregistrement une marque de l’Union européenne intégrant le symbole des IGP. La marque désigne des huiles de graine de courge bénéficiant d’une IGP.
Une chambre régionale d’agriculture et de sylviculture autrichienne en sollicite la nullité devant l’EUIPO, au motif que l’enregistrement d’une marque reproduisant un symbole, tel qu’un emblème, est prohibé. L’enregistrement à titre de marque du symbole IGP porterait ainsi atteinte au système de protection de ces indications.
Suite à l’annulation de la marque contestée, son titulaire exerce un recours auprès de l’EUIPO, puis du TUE.
Le Tribunal confirme que l’enregistrement à titre de marque d’un symbole de l’Union est prohibé. Il conférerait au titulaire de la marque un monopole lui permettant d’en interdire l’usage par les tiers. Cet octroi porterait dès lors atteinte au système de protection attaché au symbole concerné, en l’espèce celui des IGP.
Toutefois, l’EUIPO relève que cette interdiction ne s’applique qu’à condition que la marque soit de nature à induire le public en erreur quant à l’existence d’un lien entre son titulaire et l’autorité qui détient ou utilise le symbole.
En l’occurrence, l’existence de ce lien n’est pas démontrée. La décision de l’EUIPO est donc annulée, faute de motivation sur ce point.
L’intégration d’un symbole dans un ensemble complexe
Le Tribunal précise dans cet arrêt que la prohibition du dépôt d’un emblème à titre de marque n’est pas automatique. L’Office européen doit procéder à un examen concret et global du signe dont l’enregistrement est sollicité, en tenant compte de l’ensemble des éléments qu’il intègre et qui sont susceptibles de faire obstacle à l’établissement du lien. Il doit donc rechercher si la façon dont le symbole est intégré à la marque est de nature à suggérer au public que les produits qu’elle désigne bénéficient de la protection attachée audit symbole.
À cet égard, le Tribunal relève qu’il est indifférent que les produits désignés par la marque bénéficient effectivement de la protection correspondante, içi une IGP. En effet, le bénéfice d’une IGP ne confère pas le droit de la déposer à titre de marque. De plus, la protection par l’IGP peut être perdue. Or, la marque continuerait d’en intégrer le symbole. Celle-ci deviendrait alors déceptive, comme susceptible d’induire le public en erreur sur l’origine et les qualités des produits qu’elle désigne.
L’arrêt pourrait ainsi porter atteinte à la protection accordée à certains symboles, tels que des emblèmes. En effet, l’intégration d’un emblème au signe d’une marque induit instinctivement un lien entre l’autorité désignée par l’emblème et le titulaire de la marque concernée. L’existence d’éléments additionnels semble alors insuffisante à écarter ce lien.
L’interprétation retenue par le TUE pourrait finalement conduire à admettre que des symboles, dont l’usage est en principe encadré et assimilé par le public à une protection, fassent l’objet de droits privatifs.
Stéphane Bellec, avocat associé du Cabinet De Baecque Bellec
Avocat Propriété Intellectuelle
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