En fait de meuble la possession vaut titre, sauf si le meuble appartient au domaine public

La prescription triennale prévue à l’article 2276 du Code civil ne peut pas s’appliquer en matière de biens publics car leur appartenance au domaine public est inaliénable et imprescriptible (CA Colmar, 17 mars 2022, n°19/05457).

Un particulier demande à Sotheby’s de mettre aux enchères quatre éléments de vitraux qu’il détient depuis plus de 50 ans. Alors que l’opérateur de ventes fait une demande de certificat d’exportation, il est informé qu’il s’agit des vitraux de l’église Saint Martin à Colmar retirés lors de sa restauration. La ville engage alors une action en restitution.

Selon l’article L.3111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, « Les biens des personnes publiques mentionnées à l’article L.1, qui relèvent du domaine public, sont inaliénables et imprescriptibles ». Lorsque les vitraux ont été dissociés de l’église, ils ont pris la qualité de biens mobiliers. Ils ont pour autant continué d’appartenir au domaine public de par leur provenance. La ville ne pouvait ainsi autoriser la cession de ces biens sans préalablement procéder à leur déclassement.

Le détenteur n’a pas rapporté la preuve « que les vitraux seraient sortis régulièrement du patrimoine de la commune ». Bien que les vitraux aient été déposés dans les années 1910 puis détenus par cette famille depuis 50 ans, la prescription triennale de l’article 2276 du Code civil ne peut être opposée aux principes d’insaisissabilité et d’imprescriptibilité des biens du domaine public. Le bien a donc été restitué à la ville de Colmar.

Cette décision s’inscrit dans la suite des jurisprudences relatives au « Pleurant du tombeau de Philippe Le Hardi » (CE, 21 juin 2018, n°408822) et au « Jubé de la cathédrale de Chartres » (Civ. 1ère, 19 février 2019, n°18-13.748). Elle conforte les nombreuses revendications formalisées par les personnes publiques notamment quant aux archives publiques mises en vente sur le marché.

En conclusion, aucun droit de propriété sur un bien appartenant au domaine public ne peut être constitué par une personne privée tant que le bien n’est pas sorti régulièrement de ce patrimoine. Il est donc prudent de procéder à des recherches de provenance approfondies.

Olivier De Baecque avocat droit de l'art

Olivier DE BAECQUE, associé
Avocat droit de l’art

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