MONSTER, une décision surprenante ?
Les décisions du Tribunal de l’Union européenne (TUE) se suivent mais ne se ressemblent pas. Récemment, l’arrêt relatif à la marque MONSTER, une boisson énergisante, peut laisser perplexe. En effet, la similarité des signes en présence ne semblait guère évidente et le tribunal fait appel à la notoriété pour justifier cette décision.
![annulation de marque : affaire MOSNTER ENERGY](https://debaecque-avocats.com/wp-content/uploads/2025/01/MONSTER-marque-annulation.png)
Une similitude des signes ?
Une marque semi-figurative INSOMNIA ENERGY est enregistrée dans l’Union européenne. Le titulaire de la marque MONSTER ENERGY assigne le propriétaire en nullité de la marque. La division d’annulation rejette cette demande, faute de similarité entre les signes de présence.
La chambre de recours admet pourtant qu’un lien est susceptible d’exister entre les deux marques, compte tenu de la renommée de la marque MONSTER et de son fort pouvoir distinctif pour des boissons énergisantes. La très forte renommée de la marque antérieure suffit à contrebalancer le faible degré de similitude entre les signes.
Dans sa décision du 23 octobre 2024, le Tribunal confirme la nullité de la marque (affaire T-59/24, EU:T:2024:714, BBF Company EOOD / EUIPO – Monster Energy Co) !
Selon le Tribunal, il est faux d’affirmer que des marques sont nécessairement différentes si leurs éléments dominants sont différents. En effet, ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant. Or, l’élément ENERGY n’est pas considéré comme négligeable au sein des signes en présence. On peut pourtant estimer que le terme ENERGY pour des boissons énergisantes est parfaitement descriptif.
Toutefois, le tribunal estime que cet élément, en dépit de son faible pouvoir distinctif, est mis en valeur par sa typologie et sa couleur. Ainsi, malgré des différences certaines, produites par la présence d’éléments distinctifs, les signes présentent un degré de similitude du point de vue visuel, phonétique et conceptuel :
- par la présence de l’élément commun ENERGY ;
- par l’utilisation des mêmes couleurs vert, noir et blanc ;
- par une composition similaire des éléments verbaux.
Comment expliquer cette décision ?
Cette décision a surpris plusieurs professionnels…
Le tribunal rappelle en premier lieu que l’article 8 paragraphe 5 du Règlement UE 207/2009 (RMUE) n’impose pas de prouver un risque de confusion entre le marque de renommée et la marque contestée mais simplement un risque d’association, le fameux lien établi par le public concerné en raison de la similitude des signes en présence.
En outre, le TUE se réfère à la fonction première d’une marque, mais aussi à sa fonction de transmission de messages, notamment concernant les qualités ou caractéristiques du produit. La marque renommée possède à ce titre une valeur économique importante et digne de protection. Cela est d’autant plus vrai que les efforts et les investissements en communication sont considérables pour le titulaire d’une marque renommée.
Ainsi, selon le Tribunal, l’article 8 précité vise à protéger la marque renommée contre tout dépôt de marque identique ou similaire, qui pourrait porter atteinte à son image. Trois conditions cumulatives sont dès lors nécessaires :
- une identité ou une similitude des signes en présence,
- la renommée de la marque antérieure invoquée,
- l’existence d’un risque de voir l’usage sans juste motif de la marque tirer indûment profit de la renommée de la marque antérieure ou lui porter préjudice.
C’est sans conteste une décision à conserver dans les archives de toute entreprise qui possède un portefeuille de marques renommées !
Tél. + 33 (0) 1 53 29 90 00
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