L’AOP Porto fait-elle échec à l’enregistrement du terme “port” dans une marque ? 

Deux récentes décisions du Tribunal de l’Union européenne (TUE) viennent enrichir le volumineux contentieux autour de l’AOP Porto (“Port” dans sa version anglaise). Le tribunal revient sur la notion d’utilisation commerciale pour accepter l’enregistrement des marques QUEVEDO PORT pour de l’huile olive et PORTSOY pour du whisky. 

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Les organismes de défense des appellations d’origine protégée (AOP) ont parfois une activité importante et complexe. L‘Instituto dos Vinhos do Douro et do Porto (IVDP), en charge de l’AOP Porto, en fait partie, d’autant plus que les termes protégés en plusieurs langues sont Porto, Port, vinho do Porto, Port Wine, vin de Porto, Oporto, Portvin, Portwein et Portwijn. Priver toute personne de l’utilisation du terme Port s’avère bien compliqué, compte tenu de ses différentes significations. 

Les deux décisions rendues le 26 février 2025 par le TUE illustrent parfaitement cette difficulté (voir Trib. UE. 2e ch. 26 févr. 2025, aff T-23/24. Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto, IP (IVDP) c/ EUIPO et aff.T-40/24. Quevedo Port c/ Port et PORTSOY c/ Port). La question réside dans l’utilisation d’un terme protégée par une AOP au sein d’une marque

D’un côté, un dépôt de marque de l’Union européenne QUEVEDO PORT est effectué pour couvrir de l’huile d’olive et du vin conforme à l’AOP. L’IVDP forme opposition à l’enregistrement de cette marque, simplement pour l’huile d’olive. 

De l’autre côté, un dépôt de marque porte sur le signe PORTSOY pour du whisky respectant les spécifications de l’IGP « Scotch Whisky ». L’institut attaque l’ensemble du dépôt.  

Un usage commercial de l’AOP Porto ? 

La division d’opposition et la chambre de recours rejettent ces oppositions, basées sur l’article 8 (6) du RMUE (règlement UE 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne). Les motifs invoqués font état de l’absence d’usage commercial et de toute évocation de l’appellation protégée.  

Dans la seconde espère, ces offices estiment que les produits ne sont pas comparables. En outre, les signes ne sont pas similaires au point de caractériser une utilisation commerciale directe ou indirecte. 

Le Tribunal de l’UE adopte la même logique. Selon une jurisprudence bien établie, l’utilisation commerciale de l’AOP au sein d’une marque impose un usage : 

Le Tribunal rappelle en outre que la notion d’utilisation commerciale fait l’objet d’une interprétation stricte. 

Évocation de l’AOP Porto ? 

Enfin, aucun lien univoque et direct entre les signes contestés et l’AOP n’apparaît. Aussi, l’utilisation de la marque ne saurait être une évocation de l’AOP au sens des textes européens (voir la décision Champagne, relative aux critères de l’évocation). 

Le Tribunal affirme que l’évocation d’une AOP nécessite d’analyser si le public pertinent a directement à l’esprit l’AOP en présence du signe contesté. Pour cela, on tient compte de l’incorporation partielle des termes protégés, de la similitude visuelle et/ou phonétique ou encore de la proximité conceptuelle. 

En l’espèce, le terme protégé en langue anglaise PORT se retrouve intégralement dans les deux demandes d’enregistrement de marque.  Pourtant, le consommateur moyen n’associera pas immédiatement un scotch PORTSOY au vin de Porto. Les produits sont assez différents dans leur fabrication, leurs ingrédients ou leur utilisation. Cette analyse des produits peut sembler en contradiction avec la précédente décision du Tribunal au sujet de la marque PORTWO GIN (rappelée ci-dessous). 

Des décisions conformes à la jurisprudence antérieure ?

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait déjà admis la validité de la marque PORT CHARLOTTE pour du whisky (CJUE, 14 septembre 2017,  C-56/16 P. La raison est simple : le terme “port” est plus facilement assimilé à un abri pour bateaux qu’au vin de Porto. 

Ainsi, la CJUE affirmait que le public pertinent comprenait le signe PORT CHARLOTTE comme désignant un port ayant le nom d’un personnage appelé Charlotte, sans établir un lien direct avec l’appellation d’origine « Porto » ou « Port » ou un vin de Porto.

En revanche, plus récemment, le TUE avait accepté l’opposition à l’encontre de la marque PORTWO GIN pour des spiritueux (TUE, 6 octobre 2021, T-417/20). L’utilisation de l’AOP Porto était ici plus évidente avec le simple ajout du W et du terme descriptif Gin. En complément, le Tribunal a relevé la proximité entre les différentes boissons alcoolisées destinées au même public selon les mêmes canaux de distribution. Il semblait donc probable que le consommateur associe « Portwo Gin » aux vins de Porto.

Avant de déposer une marque contenant partiellement une AOP, prenez conseil auprès d’un avocat spécialisé en droit des marques et en droit des AOP. La connaissance des spécificités des deux matières juridiques garantit une analyse fine des risques.

Stéphane Bellec avocat propriété intellectuelle

Stéphane Bellec, associé 
Avocat Propriété Intellectuelle

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