Surveillance des marques : comment protéger efficacement votre portefeuille ?  

Dans le paysage concurrentiel actuel, déposer une marque auprès de l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle) ne constitue que la première étape de la protection de vos actifs immatériels. La surveillance active de vos marques s’avère indispensable pour préserver efficacement vos droits et anticiper les atteintes potentielles. Ce guide complet, destiné aux entreprises et titulaires de portefeuilles de marques, détaille les enjeux juridiques, les procédures et les bonnes pratiques en matière de surveillance de marques.

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Qu’est-ce que la surveillance de marques ?

Définition

La surveillance de marques consiste à effectuer une veille permanente et systématique des nouvelles publications de demandes d’enregistrement de marques auprès des offices de propriété industrielle : 

Ce dispositif s’appelle aussi parfois monitoring de marque ou veille juridique de marques. Il permet au titulaire d’une marque de détecter rapidement les dépôts de signes identiques ou similaires susceptibles de porter atteinte à ses droits antérieurs.

Fonctionnement de la surveillance

La surveillance couvre généralement :

Cette surveillance s’effectue par classe protégée (produits et services identiques ou similaires selon la Classification de Nice) et par pays. 

Le principe même de la surveillance de marques consiste à repérer les dépôts de marques publiés mais pas encore enregistrés. 

Pourquoi la surveillance de marques est-elle essentielle ?

1.Les offices de marques, comme l’INPI, n’effectuent pas de surveillance

Contrairement à une idée reçue répandue, l’INPI n’effectue pas de recherche d’antériorité avant d’enregistrer une marque. 

L’Institut vérifie uniquement les motifs absolus de refus d’enregistrement (articles L 711-2 et L 715-4 du Code de la propriété intellectuelle) :

En revanche, l’INPI ne contrôle pas les motifs relatifs d’enregistrement, c’est-à-dire l’existence de droits antérieurs appartenant à des tiers (article L. 711-3 du Code de la propriété intellectuelle). Cette responsabilité incombe exclusivement au titulaire de la marque antérieure.

Conséquence pratique : une marque identique ou similaire à la vôtre peut être enregistrée sans que vous en soyez informé, d’où la nécessité impérative de mettre en place une surveillance active.

2.Bénéficier d’une procédure d’opposition économique

Le principal intérêt de la surveillance réside dans la possibilité de former opposition dans les délais légaux impartis :

Ce délai n’est pas prorogeable. Sans surveillance, vous risquez de le manquer et de devoir recourir à des procédures plus longues et coûteuses (action en nullité, action en contrefaçon).

La procédure d’opposition devant l’INPI (articles L. 712-4 et suivants du Code de la propriété intellectuelle) présente plusieurs avantages par rapport à une action judiciaire :

Le directeur général de l’INPI statue sur l’opposition au terme d’une procédure contradictoire comprenant une phase d’instruction (article R. 712-16-1 du Code de la propriété intellectuelle).

3. Préserver la valeur de vos actifs immatériels

Protéger un portefeuille de marques peut représenter un coût certain, sur le plan international. 

Une surveillance proactive permet de :

Les marques constituent souvent le patrimoine immatériel le plus précieux d’une entreprise. Leur protection active garantit la pérennité de vos investissements commerciaux et marketing.

4. Analyser la concurrence

Au-delà de la protection juridique, la surveillance offre une intelligence économique précieuse :

Pourquoi confier à un cabinet d’avocats la surveillance des marques ? 

Les cabinets d’avocats spécialisés en propriété intellectuelle sont particulièrement qualifiés pour mettre en place et gérer la surveillance de vos marques. 

Leur expertise juridique leur permet de :

Analyse juridique approfondie

Un avocat en droit des marques peut à vos côtés : 

Conseil stratégique

Les avocats en propriété intellectuelle sont en mesure de :

Représentation et assistance

Un avocat peut représenter le titulaire de la marque dans toutes les procédures :

À noter : Pour les ressortissants hors Union européenne (UE) ou Espace économique européen (EEE), l’assistance d’un mandataire (avocat ou conseil en propriété industrielle) est obligatoire (article R 712-2 du Code de la propriété intellectuelle).

Les limites des services de l’INPI

L’INPI propose un service annuel de surveillance payant via sa base de données de marques. Toutefois, l’Institut se limite à signaler des marques publiées sans aucune analyse, ni conseil. 

En outre, il ne délivre aucune évaluation sur les chances de succès d’une procédure d’opposition, ni sur la stratégie globale à adopter. 

Comment agir contre un dépôt de marque repéré lors de la surveillance ?

Lorsque la surveillance révèle un dépôt conflictuel, plusieurs options s’offrent au titulaire de la marque antérieure, de la solution amiable aux actions contentieuses.

La négociation amiable 

Avant toute procédure contentieuse, il est généralement recommandé de tenter une résolution amiable du conflit.

L’envoi d’une lettre de mise en demeure au déposant peut suffire à :

Les avantages d’une procédure non contentieuse sont nombreux en termes de coût, de temps, de préservation des relations commerciales éventuelles. 

Une mise en demeure répond à un protocole précis, qu’il est préférable de confier à un avocat. En effet, vous devez mentionner vos droits antérieurs, une demande précise, un délai de réponse et les conséquences d’un refus. 

Au préalable, un avocat vérifiera la solidité de vos droits antérieurs, en particulier leur exploitation dans la vie des affaires, pour éviter une action reconventionnelle en déchéance contre vos marques. 

L’opposition devant l’INPI

L’opposition est la procédure administrative de référence pour contester le dépôt d’une marque postérieure. En France, elle doit être formée dans un délai de 2 mois à compter de la publication du dépôt de marque. 

Bon à savoir : 

Les licenciés exclusifs peuvent également former opposition, sauf stipulation contraire du contrat de licence.

Procédure

L’opposition s’effectue exclusivement par voie électronique sur le portail e-procédures de l’INPI. Chaque opposition ne peut être fondée que sur un seul droit antérieur. Si vous invoquez plusieurs droits, vous devrez payer une taxe additionnelle par droit invoqué.

L’INPI vérifie la recevabilité de l’opposition. Est irrecevable toute opposition formée hors délai, ou par une personne sans qualité pour agir, ou non conforme aux conditions. 

Si l’opposition est recevable, la phase d’instruction débute :

Si la marque antérieure est enregistrée depuis plus de 5 ans, le déposant peut exiger la preuve d’un usage sérieux conformément à l’article L. 712-5-1 du Code de la propriété intellectuelle.

Le directeur général statue dans un délai de 3 mois à compter de la fin de la phase d’instruction (article L. 712-5 du Code de la propriété intellectuelle). En cas de silence, l’opposition est réputée rejetée.

Recours

Les décisions de l’INPI sont susceptibles de recours devant la cour d’appel compétente dans un délai d’un mois suivant la notification (articles R. 411-19 et R. 411-21 du Code de la propriété intellectuelle).

Attention : le recours en annulation, qui concerne le recours à l’encontre des décisions portant sur la délivrance, le rejet ou le maintien des titres n’a pas d’effet dévolutif. La Cour d’appel ne reprend pas l’affaire en totalité mais statue uniquement sur la légalité de la décision de l’INPI. Elle peut soit rejeter le recours, soit annuler la décision sans y substituer sa propre décision. 

Toutefois, le recours en réformation, qui vise les demandes en nullité ou en déchéance de marque dispose d’un effet dévolutif. A cet égard, il défère à la cour l’existence de l’entier litige (article R-411-19 du Code de la propriété intellectuelle. 

L’action en nullité

Si le délai d’opposition est expiré ou si la marque est déjà enregistrée, il reste possible d’agir en nullité de la marque. 

Depuis la réforme de 2019 (Ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019), les demandes en nullité peuvent être formées devant l’INPI, qui dispose d’une compétence exclusive pour la plupart des motifs d’annulation. 

Toutefois, le tribunal judiciaire conserve une compétence exclusive pour les demandes reconventionnelles et connexes dans le cadre d’une action en contrefaçon, ainsi que pour des demandes en nullité lorsque la marque est susceptible de porter atteinte aux droits d’auteur, aux droits résultant d’un dessin ou modèle protégé, ainsi qu’aux droits de la personnalité d’un tiers (nom de famille, pseudonyme, image).

L’action en contrefaçon

Si la marque postérieure est enregistrée et exploitée, le titulaire de la marque antérieure peut engager une action en contrefaçon devant les tribunaux judiciaires compétents (10 tribunaux spécialisés en France).

Recommandations pour le titulaire d’un portefeuille de marques

Mettre en place la surveillance immédiatement

Une surveillance doit se mettre en place dès le dépôt ou l’enregistrement de votre marque et pendant toute sa durée de protection. 

Définir le périmètre de surveillance

Avec les conseils d’un avocat en marques, vous définissez le périmètre de surveillance :

Centraliser la gestion de votre portefeuille

Pour gagner en efficacité, il est préférable de confier à un seul cabinet :

Au contraire, une gestion fragmentée risque de générer des lacunes, une perte de vision globale, un défaut de coordination et un surcoût. 

Réagir systématiquement aux alertes

Toute alerte de surveillance doit faire l’objet d’une analyse et d’une décision. Le processus est assez simple : 

Vérifier les antériorités du déposant

Avant d’engager une action d’opposition ou contentieuse, il est recommandé de vérifier si le tiers détient d’autres marques qui pourraient être antérieures à vos droits. 

Ainsi, vous vous assurez que votre propre position n’est pas fragile. Si le tiers dispose de droits antérieurs, il pourrait former une opposition ou une demande reconventionnelle contre votre marque.

Documenter l’usage de vos marques

Nous insistons sur l’importance des preuves d’usage sur ce site depuis longtemps ! 

Une marque qui n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux pendant une période ininterrompue de 5 ans peut être frappée de déchéance. 

En pratique, il faut conserver des preuves d’exploitation datées (factures, catalogues, publicités, photos) et documenter l’usage pour tous les produits et services revendiqués. 

Attention : Depuis la réforme de 2019, si la preuve d’usage est apportée pour seulement une partie des produits et services, seuls ces produits et services seront pris en compte dans l’opposition ou la contrefaçon.

En conclusion, la surveillance de marques constitue un élément indispensable de toute stratégie de protection de la propriété intellectuelle. Elle permet non seulement de préserver vos droits exclusifs sur vos signes distinctifs, mais également d’anticiper les menaces concurrentielles et de valoriser durablement votre patrimoine immatériel.

La mise en place d’une surveillance professionnelle et proactive, confiée à un cabinet d’avocats spécialisé, vous garantit une protection efficace et pérenne de vos actifs immatériels.

Stéphane Bellec avocat propriété intellectuelle

Stéphane Bellec, associé 
Avocat Propriété Intellectuelle

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Tél. + 33 (0) 1 53 29 90 00