Atteinte à l’AOP Bordeaux par l’utilisation d’un nom de domaine

Le tribunal judiciaire de Paris s’intéresse aux vins de Bordeaux dans une récente décision. L’utilisation d’un nom de domaine et d’un site internet de mise en relation entre vignerons et clients peut porter atteinte à une AOP. En effet, dès lors que ce site propose à la fois des vins couverts par l’AOP et d’autres vins, le public risque d’être induit en erreur. Une décision qui rappelle le fondement de la protection des appellations d’origine

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L’INAO (Institut NAtional de l’Origine et de la qualité) et le CIVB (Conseil Interprofessionnel du vin de Bordeaux) défendent l’AOP Bordeaux. Ils obtiennent une décision logique du tribunal judiciaire de Paris (20 février 2025). 

En l’espèce, une société LVDB (Les vins de Bordeaux) exploite un site internet accessible sous le nom de domaine lesvinsdebordeaux.com. Ce site met en relation des vignerons indépendants avec des clients potentiels pour commercialiser directement leur production. 

L’INAO et le CIVB poursuivent en justice cette société pour faire cesser toute utilisation des termes “vins de Bordeaux” et “Bordeaux” sur son site et au sein de son nom de domaine. 

Atteinte à l’AOP

L’article 103 du Règlement (UE) n°1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles, dispose qu’une AOP est protégée contre toute utilisation commerciale directe ou indirecte de la dénomination, notamment : 

Le tribunal judiciaire de Paris reconnaît ces 3 modes d’atteinte à l’appellation d’origine protégée Bordeaux. Pour les juges, l’utilisation d’un nom de domaine et d’une enseigne comportant le terme protégé par une AOP constitue en soi une atteinte. 

En effet, toute entreprise est en droit d’utiliser l’AOP pour commercialiser un vin produit conformément au cahier des charges de l’appellation. Mais l’usage d’une appellation protégée, au titre d’un nom de domaine et d’une enseigne, caractérise une appropriation illicite de l’AOP et une utilisation commerciale directe et indirecte de celle-ci. 

Le fait que la société mette en relation, sans participer directement à la vente, n’est pas retenu. La société LVDB intervient dans le processus de commercialisation et de distribution par la mise en relation des acheteurs et des producteurs. Elle est donc considérée comme un opérateur commercialisant des vins. 

Tromperie

En complément, l’usage d’une AOP pour désigner un site internet au sein duquel le consommateur retrouve des vins bénéficiant de l’AOP mais aussi des vins n’en bénéficiant pas constitue une tromperie. 

Une telle utilisation est susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine des produits. Peu importe que les rubriques et les pages du site indiquent clairement l’origine de chaque vin, dès lors que le nom de domaine du site s’intitule lesvinsdebordeaux.com. 

Atteinte à la réputation de l’AOP

Cette utilisation exploite également la réputation de l’appellation, représentant le plus grand vignoble de France. L’AOP est d’ailleurs protégée depuis 1973. 

La notoriété de l’AOP Bordeaux est immense mais peut s’affaiblir par un usage inapproprié pour désigner des vins ne répondant pas au cahier des charges de l’appellation. 

Le tribunal ordonne donc la suppression du nom de domaine litigieux et l’arrêt des pratiques illicites, en particulier l’usage inapproprié de la dénomination Bordeaux. Il refuse toutefois de reconnaître une pratique commerciale trompeuse constitutive de concurrence déloyale.

Stéphane Bellec avocat propriété intellectuelle

Stéphane Bellec, associé 
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