Caractère distinctif de la marque VENTE-PRIVÉE
Depuis son lancement en 2001, le site vente-privee.com a donné lieu à de nombreuses actions en justice. Des litiges ont opposé ce site à ses principaux concurrents sur l’usage des termes “vente privée”. La cour d’appel de Paris s’est récemment prononcée sur le caractère frauduleux d’un dépôt de marque réalisé en 2013, ainsi que sur le caractère distinctif acquis par l’usage d’une marque semi-figurative.
Le dépôt frauduleux de la marque vente privée
Le tribunal de grande instance de Paris (TGI) avait annulé la marque semi-figurative VENTE PRIVEE associée à un dessin de papillon pour fraude, le 3 octobre 2019. La société éponyme créée en 2001 a déposé cette marque en 2013, après une décision prononçant l’annulation pour défaut de caractère distinctif d’un précédent dépôt de la marque sous sa seule forme verbale VENTE PRIVEE.
En vertu de l’adage fraus omnia corrumpit, l’enregistrement frauduleux d’une marque peut être annulé à tout moment et à la demande de toute personne. La mauvaise foi du demandeur est une cause de nullité absolue de la marque qui s’apprécie à la date de dépôt.
Dans sa décision du 17 septembre 2021, la cour d’appel de Paris infirme le jugement sur ce point. Elle considère que l’entreprise avait un “intérêt légitime à déposer la marque afin de préserver ses droits en raison de l’usage continu qu’elle faisait du signe complexe”. La société déposante n’a pas cherché à priver ses concurrents d’un signe nécessaire à leurs activités. Au jour du dépôt, elle était leader sur le secteur des ventes privées en ligne qu’elle a développé depuis 2001, étant la première entreprise en France à cette époque.
La partie adverse, la société Showroomprivé, mettait en avant les mises en demeure reçues. Or, ces dernières portaient sur l’usage de l’expression “vente-privee.com” à titre d’adwords (mots-clés achetés sur Google) et non pas sur l’usage de l’expression “vente privée” dans son sens courant. Les tribunaux se sont déjà intéressés à l’usage d’une marque dans une publicité en ligne, notamment à travers des Google Ads.
Le caractère distinctif de la marque vente privée
En l’espèce, la question de droit est dans l’appréciation du caractère distinctif ou non de la marque semi-figurative VENTE PRIVEE. La cour d’appel confirme que les seuls termes “vente privée” ne sont pas distinctifs en affirmant que “le caractère distinctif de la marque en cause est conféré par le signe figuratif pris dans son ensemble et n’interdit pas aux concurrents d’utiliser l’expression “vente privée” dans son sens usuel”.
Le TGI avait estimé que l’ajout de l’élément figuratif du papillon était insuffisant pour conférer à l’ensemble un caractère distinctif. Toutefois, il avait reconnu que la marque avait acquis un caractère distinctif par l’usage.
La cour d’appel de Paris considère que l’association de l’expression “vente privée” et du papillon est perçue par le public comme apte à identifier les services couverts par le dépôt comme provenant d’une entreprise déterminée.
Ces décisions multiples autour des ventes privées illustrent la problématique d’adopter une marque composée de termes issus du langage courant. La stratégie globale de protection d’un nom est à penser avec un avocat en propriété intellectuelle dès le lancement de toute entreprise.
Stéphane Bellec, avocat associé du Cabinet De Baecque Bellec
Avocat Propriété Intellectuelle
Tél. + 33 (0) 1 53 29 90 00
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