Quelles règles de prescription en cas de contrefaçon d’AOP ? 

Le tribunal judiciaire de Paris se délecte d’une contrefaçon de l’AOP Châteauneuf du Pape. Il rappelle les règles en matière de prescription, ainsi que la nécessaire connaissance de l’exploitation. Toutefois, cette décision semble assez favorable à l’INAO (Institut National de l’Origine et de la Qualité). 

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La société Royal Wine Corporation et ses filiales commercialisent depuis 32 ans des vins casher sous la dénomination CHATENEUF. Suite à la découverte de cette commercialisation, l’ODG (Organisme de défense et de gestion) de l’appellation Châteauneuf du Pape, le syndicat des vignerons et l’INAO ont adressé des mises en demeure puis assigné les sociétés enc ontrefaçon de l’appellation d’origine protégée.

Les défenderesses ont soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription. Elles mettent en avant que leur commercialisation était notoire depuis plus de 5 ans. En effet, ils disposent d’une présence sur internet depuis 2003 et d’enregistrement de marques depuis 1999, arguant que les demandeurs ne pouvaient ignorer ces faits. 

La prescription d’une contrefaçon d’AOP 

L’action en contrefaçon d’AOP est-elle imprescriptible ? C’est ce que prétendent l’INAO et les autres demandeurs. Le droit sur l’appellation d’origine a un caractère perpétuel et sa défense ne peut connaître la prescription. 

Le tribunal rejette cette thèse assez logiquement. Il applique les règles de prescription de droit commun, en se fondant sur l’article 2224 du Code civil (prescription de 5 ans pour les actions personnelles et mobilières). 

En outre, le tribunal estime que les dispositions européennes protégeant les AOP contre la déchéance pour dégénérescence ne s’appliquent qu’à l’enregistrement de marques. L’article 101 du règlement UE n°308/2013, repris à l’article 26.6 du règlement UE 2024/1143, ne rend pas imprescriptible l’action en contrefaçon elle-même.

Le point de départ de la prescription

Dans un second temps, le tribunal s’interroge sur le point de départ de la prescription. Classiquement, la prescription court à compter du jour où le titulaire des droits a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action.

C’est l’occasion de rappeler que les actes de contrefaçon ne constituent pas un délit continu. La prescription court donc même si les actes se poursuivent dans le temps (voir la décision de la Cour de cassation, 1re civ., 15 nov. 2023, n° 22-23.266).

La preuve de la connaissance des faits

Les demandeurs avaient-ils connaissance des faits de contrefaçon depuis plus de 5 ans ?

Plusieurs éléments sont examinés : 

Le conseil australien de l’INAO a adressé une mise en demeure à RWC de cesser tout usage et de retirer la marque. Cela n’a pas été jugé suffisant à priver l’INAO de son action, alors même que l’on aurait pu penser que c’était un élément de la connaissance de l’usage contesté.

La décision du 19 mars 2025 confirme que l’action en contrefaçon d’AOP est soumise à la prescription de droit commun de 5 ans, malgré le caractère perpétuel du droit sur l’appellation. 

Ce jugement montre une nouvelle fois l’importance de la vigilance dans la défense des AOP. La prescription de l’action en contrefaçon d’AOP après 5 ans impose réactivité et rigueur.

Toutefois, le tribunal fait une application particulièrement souple de la notion de connaissance des faits. Il exige une preuve stricte que les protecteurs de l’AOP avaient effectivement connaissance de la commercialisation contrefaisante en France. D’autres juridictions semblent adopter une conception plus stricte de la connaissance présumée des faits.

Stéphane Bellec avocat propriété intellectuelle

Stéphane Bellec, associé 
Avocat Propriété Intellectuelle

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