Contrefaçon en ligne : quel tribunal est compétent ?
Voici une décision classique qui permet de revenir sur les compétences territoriales du tribunal français en matière de contrefaçon sur internet. La cour d’appel de Paris rappelle la compétence du juge français pour connaître d’un litige en droit des marques opposant sociétés américaines et belges à une société portugaise. Un constat d’huissier relève des faits incriminants sur un site en anglais, les réseaux sociaux et des boutiques parisiennes.
Un litige international en contrefaçon de marques
Que se passe-t-il lorsqu’une société portugaise, titulaire de deux marques française et internationale EACH OTHER, attaque en contrefaçon et concurrence déloyale une société américaine et une société belge ? Voici l’imbroglio que la cour d’appel de Paris a démêlé dans sa décision du 10 janvier 2020. La société portugaise a fait constater par huissier l’utilisation des termes MADE FOR EACH OTHER pour un service de personnalisation de vestes en jean LEVI’S. Les faits sont constatés dans deux boutiques parisiennes ainsi que sur le site levi.com et les réseaux sociaux de la marque de jeans.
Les sociétés LEVI STRAUSS & CO contestent la compétence du tribunal français en matière de contrefaçon en ligne. La cour d’appel de Paris rappelle les règles applicables :
- pour une atteinte aux marques nationales ou en concurrence déloyale : une personne domiciliée dans l’Union européenne peut assigner dans un pays de l’Union où “le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire” (règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 dit Bruxelles I bis)
- pour une atteinte aux marques européennes : le titulaire peut porter son action en contrefaçon devant le tribunal du territoire sur lequel “les faits de contrefaçon ont été commis ou menacent d’être commis” (règlement n° 207/2009, modifié par le règlement 2015/2424 du 16 décembre 2015).
La cour d’appel de Paris retient donc la compétence des juridictions françaises au titre de la matérialisation du dommage allégué en France du fait des actes de contrefaçon de marques ainsi que de concurrence déloyale et parasitaire sur le site levi.com et les pages Twitter et Instagram exploitées.
Une décision classique de compétence territoriale en matière de contrefaçon de marques
En réalité, les tribunaux saisis de litiges en contrefaçon ou en concurrence déloyale sur des sites sont partagés entre deux conceptions qui ont évolué au fil du temps:
- Application du seul critère de l’accessibilité des pages web à partir du sol français
Sur un site web, le fait dommageable se produit en tous lieux où les informations ont été mises à la disposition des internautes. Le critère de l’accessibilité au site a dès lors entraîné une très large compétence des juridictions françaises. Cette solution aboutissait à une compétence universelle des juridictions françaises, elle a donc tendance à être tempérée.
- Existence d’un lien suffisant, substantiel ou significatif entre les faits allégués et la France
Cette conception plus stricte s’exprime aussi par un impact économique sur le public français. Le demandeur doit alors montrer un intérêt légitime en France (une clientèle susceptible d’être atteinte par les agissements reprochés ou une marque couvrant le territoire français). Ce lien suffisant, substantiel et significatif, faute de définition, laisse une grande marge d’appréciation aux juges du fond.
Dans tous les cas, le tribunal français ne peut connaître que du seul dommage causé sur son territoire. Ainsi, selon la ligne de la cour de justice européenne, les tribunaux français peuvent réparer uniquement le préjudice subi en France. Seul le tribunal du domicile du défendeur ou du fait générateur du dommage – le lieu d’établissement de l’éditeur de la publication litigieuse selon la Cour de justice – sera compétent pour réparer l’intégralité du préjudice causé par la faute. À défaut d’être le juge du lieu du fait générateur, le juge français est compétent pour réparer le seul dommage subi en France.
Notre cabinet d’avocats possède une expertise en matière de litiges internationaux en contrefaçon en ligne et hors ligne de marques. Nous adoptons avec nos clients la stratégie la plus efficace pour faire cesser le trouble et obtenir réparation des préjudices subis.
Stéphane Bellec, avocat associé du Cabinet De Baecque, Fauré, Bellec
Avocat Propriété Intellectuelle
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