Décrire l’originalité d’une oeuvre, une nécessité en droit d’auteur
Le droit d’auteur protège les œuvres originales. Pour lutter efficacement contre la reproduction d’une œuvre, il convient de décrire précisément son originalité et de caractériser l’empreinte de la personnalité de l’auteur. La cour d’appel de Paris, dans sa décision du 16 septembre 2022, précise que cette originalité s’apprécie de manière globale, par la combinaison des éléments caractéristiques du fait de leur agencement particulier. Ce litige autour de suspensions mérite un éclairage.
L’originalité, critère essentiel en droit d’auteur
L’article L 111-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que “l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous”.
Lorsque ce droit d’auteur est contesté en justice, l’auteur doit définir et expliciter les contours de l’originalité. En effet, seul l’auteur peut identifier les éléments traduisant sa personnalité et justifiant son monopole.
Les tribunaux considèrent que la contrefaçon d’une œuvre nécessite la reprise des caractéristiques reconnues comme constitutives de son originalité. Cette analyse s’apprécie en fonction des ressemblances et non des différences. En outre, la contrefaçon ne nécessite aucunement l’existence d’un quelconque risque de confusion.
En l’espèce, l’artiste Constance Guisset fabrique en 2004 une suspension dénommée Vertigo, dont elle cède les droits patrimoniaux à une société, quelques années plus tard. Constatant la commercialisation de luminaires similaires, elles procèdent à une saisie-contrefaçon et assignent en contrefaçon, en concurrence déloyale et parasitisme les distributeurs.
La suspension est reconnue originale et protégeable par le droit d’auteur. En revanche, infirmant la décision des premiers juges sur ce point, la cour d’appel de Paris reconnaît également la contrefaçon.
Comment décrire l’originalité d’une œuvre ?
En l’espèce, la suspension VERTIGO est décrite comme une structure ronde et ondulée, dont l’ensemble manifeste un aspect aérien. Un abat-jour conique évasé est fixé au centre de la suspension. Des rubans formant des tiges sont disposés en rayons tout autour, créant de subtils jeux d’ombre et de lumière. Son profil évoque la forme d’un huit et l’ensemble constitue une sculpture lumineuse rappelant une capeline.
La cour d’appel de Paris constate que l’auteur a parfaitement caractérisé l’originalité de l’œuvre et son effort créatif. L’originalité s’apprécie “de manière globale, de sorte que la combinaison des éléments qui la caractérise du fait de leur agencement particulier lui confère une physionomie propre qui démontre l’effort créatif et le parti pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur”.
La reprise des éléments caractéristiques de l’originalité de la suspension VERTIGO, tels qu’ils ont été décrits, suffit à prouver la contrefaçon. Les différences invoquées (de dimension, de poids ou de matériaux) ne peuvent suffire à écarter le grief de contrefaçon.
Il est ainsi essentiel pour chaque auteur de décrire l’originalité d’une oeuvre avec précision, dans la combinaison et l’agencement des éléments, de manière concrète, et non pas dans une définition générale de l’œuvre. Un avocat en propriété intellectuelle accompagnera efficacement cette démarche de description en vue d’une action en contrefaçon.
Stéphane Bellec, avocat associé du Cabinet De Baecque Bellec
Avocat Propriété Intellectuelle
Tél. + 33 (0) 1 53 29 90 00
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