Indication géographique : ne pas évoquer la Provence pour une dégustation du vin
Utiliser la dénomination Coeur de Provence, pour des vins et dégustations, porte atteinte par évocation aux AOP Côte de Provence. L’office du tourisme du Lubéron l’apprend à ses dépens.
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L’atteinte par évocation d’une AOP
L’office du tourisme (OT) du Lubéron utilise les dénominations Coeur de Provence et Lubéron Coeur de Provence pour présenter des vins et des dégustations. Ces termes sont utilisés comme noms de domaine internet. Ils sont également insérés dans le contenu de sites web pour évoquer les vendanges et les domaines viticoles du Lubéron et du Ventoux. Ces régions viticoles ne bénéficient pas de la protection conférée aux AOP “Côtes de Provence” et autres “Les baux de Provence”, “Côteaux d’Aix-en-Provence” et “Coteaux varois de Provence”.
Le syndicat professionnel des vins Côtes de Provence, reconnu organisme de défense et de gestion des AOP précitées, poursuit en justice l’OT du Lubéron. Le fondement porte sur une atteinte aux AOP par évocation au sens de l’article 103 paragraphe 2 b du règlement européen n°1308-2013.
Le tribunal judiciaire de Nanterre, dans sa décision du 23 janvier 2023 (n°21/07842) retient plusieurs arguments :
- La dénomination Cœur de Provence associée aux vins et services associés, couvre alors les mêmes produits que ceux de l’AOP Côte de Provence.
- Dans les deux dénominations, le terme commun Provence est l’élément dominant.
- Le consommateur européen moyen identifie le terme Provence en rapport avec des vins comme une appellation protégée.
- Une identité phonétique et visuelle existe entre “cœur de Provence” et “côtes de Provence” avec un même nombre de mots, une même syllabe d’attaque “co” et les 4 dernières syllabes identique “de Provence”.
Le tribunal conclut que l’emploi des dénominations “Cœur de Provence” en liaison avec des produits ou des services viticoles évoque nécessairement dans l’esprit du consommateur les AOP protégées.
Les juges font référence à la décision Champagne de la CJUE (Cour de justice de l’Union européenne) pour réfuter la nécessité de démontrer l’existence d’un risque de confusion. La protection joue dès lors qu’un lien suffisamment direct et univoque existe entre cette dénomination et l’AOP.
L’Office du tourisme invoquait un usage informatif et non commercial. Toutefois, le tribunal ne retient pas cet argument, estimant en complément que l’usage des termes “Cœur de Provence” n’est pas indispensable à la promotion du Lubéron.
Le refus d’une indication fausse ou fallacieuse
Le syndicat agissait également sur le fondement de l’article 103 paragraphe 2 C du règlement précité. Constitue une atteinte à une AOP “toute autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, à l’origine, à la nature ou aux qualités substantielles du produit figurant sur le conditionnement ou l’emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit vitivinicole concerné”.
La CJUE a précisé qu’il n’y a pas lieu de tenir compte du contexte dans lequel la dénomination est utilisée (arrêt Scotch Whisky Association, 7 juin 2018, C-44/17). Les AOP bénéficient d’une protection large par nature.
Le demandeur fonde son atteinte à l’AOP par les mêmes faits pour l’atteinte par évocation et pour l’indication fausse ou fallacieuse. Or, le texte de l’article indique ‘toute autre indication”. Il convient alors de présenter des éléments différents au soutien de la demande.
En outre, les termes Lubéron Cœur de Provence ne peuvent être considérés comme une indication fausse ou fallacieuse quant à l’origine ou à la provenance du produit.
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