Influenceurs et promotion des marques : vers la transparence
SUJET : DROIT DES NOUVELLES TECHNOLOGIES
Tout d’abord, il faut savoir que compte tenu de l’audience atteinte par certains blogueurs, les influenceurs deviennent un nouveau vecteur de publicité.
Les marques sont aujourd’hui tout à fait conscientes des possibilités qu’offrent les réseaux sociaux en termes de visibilité. Ces nouveaux médias, phénomènes de masse, sont au cœur de leur stratégie marketing. Elles s’associent donc aux influenceurs qui postent des articles, vidéos ou images à vocation promotionnelle sur leurs blogs ou leurs comptes (Instagram, Twitter, Facebook, Youtube). Certaines prestations pouvant être rémunérées à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Une contractualisation des relations marques / Instagrameurs et autres Youtubeurs devient indispensable.
L’influenceur est défini par l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) comme « un individu exprimant un point de vue ou donnant des conseils, dans un domaine spécifique et selon un style ou un traitement qui lui sont propres et que son audience identifie »[1]. En somme, les marques tirent profit de l’e-réputation des influenceurs afin de promouvoir leurs produits, sans toujours en avertir le public.
Les relations opaques qui lient influenceurs et marques sont aujourd’hui au cœur des préoccupations des autorités de protection des consommateurs. Ainsi, aux États-Unis, la Federal Trade Commission a mis en garde les influenceurs contre ces pratiques en 2017.
En France, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) s’était elle aussi intéressée aux placements de produits chez les Youtubeurs dès 2016. Elle se lance aujourd’hui à l’assaut des posts des influenceurs. Les organes de régulation voient d’un mauvais œil ces outils marketing, reprochant aux marques de faire de la publicité déguisée. Il paraît donc utile de faire un point sur la réglementation applicable.
Que dit la loi ?
Il n’existe pas encore de réglementation spécifique applicable aux influenceurs. Ils sont néanmoins soumis au droit commun.
En particulier, toute publicité doit être identifiée.
En France, cette obligation résulte notamment du Code de la consommation et de la loi pour la confiance en l’économie numérique [2] (LCEN). Le Code de la consommation répute trompeuse toute pratique commerciale qui n’indique pas sa véritable intention commerciale [3] et la sanctionne de deux ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende. La LCEN exige que toute publicité accessible par un service de communication au public en ligne doit pouvoir être clairement identifiée comme tel [4]. Le consommateur ne doit pas être induit en erreur et son comportement économique ne pas être altéré.
Quelles pratiques adopter ?
De plus en plus de codes déontologiques se développent.
En France, l’ARPP consacre une partie aux influenceurs dans sa Recommandation communication publicitaire digitale [5]. Selon elle, la publicité doit clairement être identifiée comme telle et toute collaboration commerciale entre un influenceur et une marque doit être portée à la connaissance du public. La collaboration est dite « publicitaire » lorsque le contenu est publié dans le cadre d’engagements réciproques, que la marque exerce un contrôle éditorial sur la publication et que le but recherché est la promotion du produit ou du service mentionné.
En pratique, les influenceurs semblent suivre ces principes. Se développent ainsi sur les réseaux sociaux les mentions #ad, #advertising, # sponso, # sponsorisé, # collab… Les réseaux sociaux adaptent leurs systèmes à ces exigences. Ainsi, une fonctionnalité d’Instagram permet désormais d’identifier les contenus sponsorisés et les partenaires commerciaux lors de la publication en y ajoutant « en partenariat payant avec » [6]. Bien que cette pratique ne paraisse pas obligatoire à la lecture des conditions générales d’utilisation d’Instagram [7], leur révision est en cours et pourrait changer la donne.
Identification des contenus sponsorisés
Afin de se conformer à la réglementation en vigueur et aux codes déontologiques, les marques doivent prévoir dans les contrats de partenariat les moyens d’identification des contenus sponsorisés. Le mot d’ordre est la « transparence ». L’identification peut se faire par tout moyen nettement perceptible par le public. On considère que les #ad, # sponso et autres sont trop peu clairs, surtout s’ils sont noyés dans plusieurs mots clés.
L’idéal serait d’identifier précisément le contenu à travers les hashtags : « En partenariat avec », « Sponsorisé par… ». Pour les vidéos, un bandeau doit être présent en début de visionnage afin d’avertir l’utilisateur du caractère commercial. Enfin, la collaboration commerciale doit être révélée instantanément. Cela exclue toute action nécessaire du public (redirection vers une adresse url par exemple).
Au-delà de cette question de l’identification du caractère commercial du post, les contrats avec les influenceurs doivent clairement encadrer la prestation attendue. Et ce, que ce soit en termes de supports, d’horaires et de calendrier des posts notamment. Leur rémunération sera idéalement payée en plusieurs fois, afin que la marque conserve une parfaite maitrise de la prestation. Il pourra aussi être utile que l’influenceur cède ses droits d’exploitation sur le contenu spécialement créée. Une garantie de taux de « like » pourra également être prévue.
Pour contacter Stéphane Bellec, avocat associé du Cabinet De Baecque, Fauré, Bellec
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