La recette des chips à Nice : toute une salade !
Il est possible de réinventer la recette des chips, en les fabriquant à base de farine de pois chiches. En revanche, la protection d’une telle recette est moins évidente. Les chips aux pois chiches de Nice mélangent tradition de la socca et modernité des chips. Elles ont donné lieu à deux décisions distinctes relatives à la contrefaçon de marque, à la concurrence déloyale et au parasitisme. Retour sur cet imbroglio juridique niçois.
Une affaire niçoise
En 2012, M. S étudie l’idée de fabriquer des chips de socca. En 2014, il dépose une demande de brevet portant sur le procédé de production de chips à base de farine de pois chiche. Puis, il dépose deux marques semi-figuratives SOCCA CHIPS (en 2017) et LA NIÇOISE (en 2015).
Il contacte la société CAMI pour lui confier la production de ses chips, sans succès. Il crée alors trois sociétés pour ses différentes activités.
Lorsqu’il relève que la société CAMI commercialise des chips de socca, il décide d’agir en justice. En premier lieu, il saisit le président du tribunal de Nice en référé pour concurrence déloyale et parasitisme commercial.
Absence de concurrence déloyale et de parasitisme
Le tribunal de Nice condamne la société CAMI à cesser la fabrication et à retirer du marché ses chips. Cette société interjette appel et la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, le 23 mai 2017, infirme l’ordonnance de référé niçoise.
En effet, la preuve de l’assimilation des deux produits par le consommateur d’attention moyenne n’était pas rapportée. Par ailleurs, la société CAMI fabriquait et commercialisait ses produits depuis plusieurs années. Enfin, les étiquettes des emballages transparents des produits concurrents ne se ressemblaient pas (forme carré/ovale, typologie des mots et illustrations différentes).
Selon la cour d’appel, il n’y a donc ni concurrence déloyale ni parasite.
Absence de contrefaçon
Devant la poursuite de la commercialisation des produits, M. S fait opérer des saisies-contrefaçons dans les locaux de la société CAMI. Puis, il l’assigne en contrefaçon de marque, concurrence déloyale et parasitisme devant le tribunal de Paris.
Le tribunal parisien rejette l’ensemble de ses demandes à l’exception du parasitisme commercial. La cour d’appel de Paris, infirme cette décision partiellement le 22 février 2022. Selon elle, il n’y a dans cette affaire ni acte de concurrence déloyale, ni parasitisme et encore moins de contrefaçon. Pour autant, la cour refuse de considérer ces procédures comme abusives ou constitutives de dénigrement.
Les termes dominants des marques comparées SOCCA et CHIPS sont extrêmement descriptifs des produits couverts (chips à base de farine de pois chiche). Le consommateur d’attention moyenne est ici le consommateur de produits locaux du Sud de la France, niçois ou habitant de la région.
Ce dernier connaît nécessairement la composition de la socca, une spécialité locale. Une étude de notoriété de l’IFOP et diverses copies de sites prouvent que la socca est connue pour désigner une spécialité culinaire à base de farine de pois chiche consommée notamment à Nice, consistant en une fine galette cuite. Le terme socca apparaît d’ailleurs dans le dictionnaire Larousse. M. S est débouté encore une fois de toutes ses demandes.
Avant de vous lancer dans la commercialisation d’un concept, prenez conseil auprès d’un cabinet d’avocats en propriété intellectuelle. Cela permet de comprendre des concepts essentiels comme la protection des idées ou les marques descriptives ou faibles.
Stéphane Bellec, associé
Avocat Propriété Intellectuelle
sbellec@debaecque-avocats.com
Tél. + 33 (0) 1 53 29 90 00