Les truffes noires de Lalbenque : une commune doit prouver le préjudice pour annuler une marque
L’INPI s’intéresse aux truffes noires de Lalbenque dans une demande en nullité d’une marque par une commune. Cette affaire est spécifique à plus d’un titre : après avoir connu et accepté l’existence de la marque d’un tiers, la commune se décide à agir, suite au lancement d’un marché concurrent par le titulaire de la marque, le syndicat des trufficulteurs. Cette querelle offre à l’INPI l’occasion de réaffirmer que la protection du nom d’une collectivité territoriale n’est pas absolue. Il convient de démontrer l’existence d’un préjudice pour son nom ou ses administrés.

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Une querelle de marché au pays des truffes
En 2024, la commune de LALBENQUE a assigné en nullité le titulaire de la marque TRUFFES NOIRES DE LALBENQUE déposée en 2008. Cette demande en nullité porte sur l’ensemble des produits couverts en classe 25, 29 et 31. Plusieurs motifs sont invoqués dont l’absence de caractère distinctif et l’atteinte au nom, à l’image et à la renommée d’une collectivité territoriale. Faut-il rappeler que Lalbenque tire sa renommée exclusivement de ses truffes noires ?
On s’étonnera du délai entre l’enregistrement de la marque et la demande en nullité (14 années …). Ceci s’explique par un récent conflit survenu depuis 2022 entre la commune de Lalbenque, qui gère un marché aux truffes traditionnel, et le déposant, syndicat des trufficulteurs, qui organise un marché concurrent hors de la commune.
Absence de mauvaise foi
Le dépôt de mauvaise foi est rejeté. Le titulaire connaissait l’existence de la commune et sa réputation en matière de truffes. Toutefois, cela ne suffit pas à démontrer une intention maligne, condition essentielle du dépôt frauduleux de marque.
Le syndicat des trufficulteurs existe depuis 1961 et a été créé avec le concours de la commune de Lalbenque pour défendre les producteurs de truffes. Il est donc improbable que ce syndicat dépose plus tard une marque dans l’intention de porter atteinte aux droits de cette même commune.
L’atteinte à une commune, facteur de nullité de la marque
Pris dans son ensemble, le signe TRUFFES NOIRES DE LALBENQUE est de nature à être immédiatement compris comme désignant des « truffes noires » provenant de « Lalbenque », et ce au jour du dépôt.
L’article L 711-4 h du Code de la propriété intellectuelle, dans son ancienne rédaction de 2014 applicable en l’espèce, interdit l’enregistrement d’une marque portant atteinte aux droits antérieurs, notamment au nom, à l’image ou à la renommée d’une collectivité territoriale.
Selon l’INPI, l’interdiction se limite au dépôt de marque portant atteinte aux intérêts publics d’une collectivité territoriale. Aussi, l’usage du signe doit entraîner un risque de confusion avec les propres attributions de la commune ou lui porter préjudice, directement ou à ses administrés.
Le signe contesté TRUFFES NOIRES DE LALBENQUE est susceptible d’être rattaché à la commune de LALBENQUE dans l’esprit du public. Toutefois, la commune ne démontre pas l’atteinte à son nom, à son image ou à sa renommée au jour du dépôt.
La collectivité reproche l’appropriation du nom de la commune et du produit phare, qui en constitue l’image et la renommée. Mais, selon l’INPI, elle n’invoque aucun risque de confusion, ni ne démontre aucun préjudice pour elle ou ses administrés.
Cette décision prouve que la protection du nom d’une commune n’est pas absolue et nécessite de démontrer un préjudice. Les circonstances spécifiques du cas d’espèce avec une longue tolérance et une récente querelle ont sans doute incité l’INPI à la sagesse.
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