Lutter contre les mauvais payeurs dans les ventes aux enchères
Le droit de la vente aux enchères comporte des dispositions spécifiques pour lutter contre les mauvais payeurs. La folle enchère permet de remettre le bien en vente pour limiter l’impayé. Une décision récente ordonne, en plus, le paiement rapide du préjudice par une procédure en référé-provision.
L’opérateur de ventes volontaires est lié contractuellement au vendeur, et responsable à son égard du versement du prix de vente. Ainsi, lorsque des lots se retrouvent impayés par l’acquéreur, leurs intérêts convergent vers une même finalité : être payé !
(Tribunal judiciaire de Paris, Service des référés, 18 avril 2024, 23/55358).
Notre affaire est simple. Une maison de vente organise deux ventes de mobilier design. Une dizaine de lots sont adjugés au même acquéreur pour un total de 145 730 euros. À la suite d’une mise en demeure de payer restée infructueuse, ces lots sont revendus sur « folle enchères » à la demande des vendeurs (I). Ils trouvent un nouvel acquéreur mais la vente a occasionné une moins-value de 36 000 euros par rapport à la vente initiale. La maison de vente, obtient le reste par la voie rapide du référé-provision (II).
La folle enchère comme sanction de l’adjudicataire défaillant
Une vente emporte transfert de propriété immédiate à l’acheteur. En cas d’impayé, le vendeur doit donc lancer une action en paiement qui peut être longue et hasardeuse si le débiteur est insolvable.
L’adjudication emporte également transfert de propriété. Mais le droit de la vente aux enchères limite les risques d’impayé de deux manières. Lorsque le prix de la vente n’est pas payé par l’adjudicataire, le vendeur bénéficie d’une alternative : la folle enchère ou la résolution de la vente (article L.321-14 du code de commerce). Cette décision revient au vendeur et non à l’opérateur de ventes volontaires qui ne pourra seul décider de remettre en vente le bien impayé.
Le vendeur ne fait rien
Si le vendeur ne fait rien, la vente est résolue dans un délai de trois mois. Il pourra récupérer la propriété de son bien et engager une procédure pour voir payer son préjudice.
Certains enchérisseurs défaillants, pour échapper à leur obligation de payer, avaient soutenu que la résolution de plein droit après trois mois pouvait leur bénéficier. Mais la Cour de cassation a précisé que seul le vendeur peut invoquer ce droit (Cass, Civ., 2ème, 8 juillet 2010, 09-67.933). La loi a confirmé cette solution de bon sens (Codifiée à l’article L. 321-14 du code de commerce par la loi n° 2022-267 du 28 février 2022).
Le vendeur agit
Si le vendeur décide de procéder à une folle enchère (légalement qualifiée de « revente sur réitération des enchères »), l’avantage est que le fol enchérisseur devra payer la moins-value entre la première adjudication et la seconde, si elle existe (article L. 322-12 du code des procédures civiles d’exécution).
Dans le cadre d’une revente sur folle enchère, la seconde vente a lieu dans les mêmes conditions que la première. Par ailleurs, elle n’a plus à avoir lieu « sur-le-champ » comme le prévoyait le droit antérieur (article 624 de l’ancien code de procédure civile). Cette contrainte temporelle n’était pas adaptée aux ventes modernes dont le règlement se fait souvent en différé ou par chèque. Cela rendait impossible pour l’opérateur de ventes volontaires de constater la défaillance de l’adjudicataire et de procéder sur-le-champ à la remise en vente.
Dans la décision commentée, la maison de vente, à la demande des vendeurs, avait réitéré les enchères, lorsqu’il était devenu évident que l’adjudicataire ne satisferait pas à ses obligations. Cette vente ayant occasionné une moins-value pour ses vendeurs, elle avait engagé une procédure en référé-provision.
L’action en référé-provision garantissant le paiement de la créance
La procédure de référé est une voie d’action rapide offerte, pour solutionner des difficultés, urgentes ou évidentes.
Parmi les différentes formes de référé, existe le « référé-provision ». Il s’agit d’une action visant à obtenir de manière provisoire le versement d’une partie, voire de la totalité, d’une créance. Contrairement aux autres formes de référé, il n’est pas nécessaire de démontrer une quelconque urgence. Seul le caractère non sérieusement contestable de l’obligation est vérifié par le juge (article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile). Cette forme de référé procure un réel avantage pratique pour le créancier : elle lui permet d’obtenir le paiement rapide de sa créance, dans l’attente d’une décision définitive de condamnation au paiement. En pratique, elle met souvent fin au contentieux.
Tout l’intérêt de la décision que nous commentons est d’appliquer cette procédure à la vente aux enchères.
Elle énonce d’abord que les opérateurs de ventes volontaires ont qualité à poursuivre l’enchérisseur défaillant en paiement car ils sont responsables, du versement du prix des adjudications au vendeur (article L. 321-14 alinéa 1er du code de commerce). Ils sont à ce titre recevables à agir à l’encontre des acquéreurs négligents en recouvrement du prix de la vente et des frais. Le premier apport de cette décision est donc de permettre à l’opérateur de ventes volontaires d’agir seul et donc vite.
Elle précise ensuite que la moins-value existante et le prix de l’adjudication, ne sont pas des créances sérieusement contestables. Cela s’explique notamment par les échanges de SMS entre la maison de vente et l’acquéreur dans lesquels ce dernier n’avait jamais contesté la créance et s’était même engagé au paiement. De ce fait, il est tout à fait légitime, d’après les juges, que l’adjudicataire défaillant règle la provision des sommes dues.
Par cette décision, le juge des référés offre aux opérateurs de ventes volontaires une solution rapide et efficace pour être payés. Il veille également à responsabiliser les enchérisseurs, qui s’abstiendront sans doute, pour certains, de ne pas honorer leurs enchères.
Cet article est paru dans la revue « L’Objet d’art » n°612 en juin 2024
Olivier de Baecque, associé
Avocat Propriété Intellectuelle
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