La marque renommée Bentley accélère sa défense !
SUJET : DROIT DES MARQUES – La cour d’appel de Paris reconnaît que BENTLEY est une marque renommée en France ! Elle annule par conséquent l’enregistrement de plusieurs marques JACK BENTLEY pour des boissons. Critères d’une marque renommée, analyse comparative avec une marque complexe, la décision est intéressante sur plusieurs points.
Contexte de l’affaire BENTLEY
C’est un litige international qui se joue en France. La société britannique BENTLEY est titulaire de plusieurs marques en France pour désigner les véhicules. Elle est connue depuis un siècle pour ses voitures de luxe. Une société chinoise dépose plusieurs marques verbales et semi-figuratives JACK BENTLEY pour des boissons alcoolisées.
La société britannique obtient l’annulation de ces marques sur le fondement de ses droits antérieurs. En revanche, le tribunal de grande instance de Paris, le 17 mars 2016, refuse de reconnaître le caractère renommé de la marque et d’octroyer des dommages-intérêts. La cour d’appel de Paris, dans sa décision du 14 mai 2019, infirme le jugement sur ce point.
BENTLEY est une marque renommée en France
L’article L 711-4 du Code de la propriété intellectuelle indique que « ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment à une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle« .
L’article L 713-5 du même code engage la responsabilité civile de celui qui reproduit ou imite « une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement« .
On sait que la marque renommée doit être connue d’une partie significative du public concerné, le public pertinent étant constitué par le consommateur moyen des produits et services pour lesquels cette marque est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
La cour d’appel relève que la marque BENTLEY, ancienne et connue dans le monde entier, a remporté plusieurs fois des courses automobiles en France. Elle a fait l’objet de nombreux articles en langue française. Ses ventes étaient en croissance au moment du dépôt des marques litigieuses. En outre, par des actions de co-branding et de partenariat, elle a déjà apposé sa marque sur des produits autres que les voitures de luxe.
La cour admet alors que BENTLEY est une marque renommée en France.
L’atteinte à la marque renommée BENTLEY
Les marques enregistrées contestées reprennent à l’identique la marque renommée BENTLEY en y ajoutant un élément non distinctif (le prénom usuel anglo-saxon Jack). La cour précise que BENTLEY est d’ailleurs un terme parfaitement arbitraire et original que ce soit pour des voitures ou des boissons.
La présence d’éléments figuratifs tels qu’un B stylisé ou un coeur ne saurait altérer les ressemblances. Au plan conceptuel, la création d’une marque composée d’un prénom et d’un nom, dès lors que ce nom reprend celui d’une marque renommée, ne suffit pas non plus à écarter le risque de confusion ou d’association.
La cour juge insuffisantes les preuves de la commercialisation de vins sous la marque JACK BENTLEY. Toutefois, celle-ci estime que « le seul dépôt des marques, qui entre dans la vie des affaires, porte atteinte aux droits de la société BENTLEY en ce qu’il traduit une volonté de profiter de la renommée des marques dont elle est titulaire, et à diluer leur image. » La société chinoise est ainsi condamnée à verser 20 000 euros à la société britannique.
La cour d’appel de Paris fournit une décision conforme à la jurisprudence en matière de marque renommée, caractéristique que le tribunal avait étonnamment rejetée.
Stéphane Bellec, avocat associé du Cabinet De Baecque, Fauré, Bellec
Avocat Propriété Intellectuelle
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Étiquettes : Contrefaçon, Marque renommée