Nom de domaine anonyme : comment agir ?

La protection des noms de domaine est au cœur d’une stratégie de propriété intellectuelle réussie. Dépôt de noms de domaine pour une nouvelle marque, surveillance, action contre l’usurpation de noms proches. La réglementation des noms de domaine évolue en France (Afnic) comme à l’international (ICANN). Sous l’impulsion du RGPD (règlement général sur la protection des données), les personnes physiques bénéficient d’un droit à l’anonymisation lors de l’enregistrement d’un nom de domaine. Comment est-il possible de revendiquer des droits antérieurs ou de demander un transfert de noms de domaine ? 

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Qu’est-ce que l’anonymisation d’un nom de domaine ?

Une personne physique ou morale enregistre un nom de domaine auprès d’un bureau d’enregistrement ou registrar. En général, la demande se réalise par l’intermédiaire d’un professionnel de l’hébergement et de la création de site internet.  

Pour éviter les spams et préserver la confidentialité des données personnelles, le titulaire peut demander lors de l’enregistrement de rester anonyme. En effet, le RGPD (règlement général sur la protection des données, règlement UE n°2016/679 du 27 avril 2016) impose de ne plus laisser en accès libre les données personnelles des titulaires de nom de domaine.

Concrètement, cela a conduit à l’anonymisation des fiches Whois, les requêtes relatives aux noms de domaine. La confidentialité du domaine est possible dès l’enregistrement en cochant une simple case. 

Pour le public, cela remplace les informations associées par les informations relatives au domaine ou au fournisseur de services d’hébergement. En revanche, le registrar conserve les coordonnées du titulaire du nom domaine enregistré auprès de lui. 

La directive NIS 2 (directive UE n°2022/2555 du 14 décembre 2022) impose la tenue de bases de données Whois précises avec identification des titulaires de nom de domaine et de leurs contacts administratifs. En cas de litige, la divulgation des contacts doit intervenir dans un délai de 72 heures.  

A l’international : la réforme orchestrée par le RDRS 

L’ICANN, le bureau d’enregistrement des noms de domaine génériques gTLD (generic top level domains comme .com, .org,.net, etc.) a réagi après l’adoption du RGPD et l’anonymisation des données. 

Depuis le 28 novembre 2023, l’ICANN a mis en place le RDRS (Registration Data Request Service). C’est un service offrant un accès contrôlé aux données non publiques relatives aux nom de domaine. 

Ce service concerne les personnes dotées d’un intérêt légitime notamment les forces de l’ordre, les agences gouvernementales, les avocats en propriété intellectuelle, les professionnels de la cybersécurité et autres. 

Le RDRS est un système de demande globale, gratuite et centralisée, destiné à gérer les demandes d’accès à des données anonymisées relatives aux noms de domaine. Le RDRS met en lien le demandeur et les bureaux d’enregistrement participant à cette initiative. 

Cette procédure mérite d’être saluée pour la simplicité de fonctionnement. Toutefois, elle appelle plusieurs remarques : 

  • Le RDRS est fondé sur le volontariat de registrars dépendant de l’ICANN. 
  • Il concerne exclusivement les données masquées par le registrar et non pas les données anonymisées en cas de recours à un service tiers. 

En outre, que se passe-t-il en cas de données inexactes ? L’ICANN impose aux registrars d’adresser une fois par an une demande de vérification des données de contact. Toute information invalide ou périmée peut entraîner la suspension du nom de domaine. Chaque bureau d’enregistrement a la faculté de sanctionner le titulaire si ses informations de contact ne sont pas maintenues à jour. Cette sanction intervient alors dans le cadre de leur relation contractuelle et n’est pas nécessairement liée à une demande de tiers.

Il reste possible de solliciter les registrars avec une décision de justice à l’appui de votre demande pour obtenir la levée de l’anonymat. Toutefois, les coûts sont souvent importants face aux enjeux. 

En France, plusieurs solutions pour un titulaire de droits antérieurs

De la même manière, l’Afnic qui gère notamment les noms de domaine .fr a mis en place une procédure de divulgation des données anonymisées. Un formulaire en ligne permet à toute personne revendiquant une atteinte à des droits antérieurs de demander la divulgation des coordonnées d’un titulaire, personne physique. 

L’Afnic accède à la demande en cas de reproduction à l’identique ou de reproduction quasi-identique d’un droit antérieur : marque ou signe distinctif protégé en France, droit d’auteur français, nom patronymique ou pseudonyme. 

Attention, l’acceptation de l’Afnic ne vaut en aucun cas reconnaissance d’une atteinte

En cas de refus, il est possible d’obtenir une ordonnance sur requête d’un juge ou une demande auprès des organismes de résolution des litiges, notamment par la procédure PARL EXPERT (Procédures alternatives de résolution des litiges) ou la procédure SYRELI. 

La surveillance des noms de domaine s’avère donc plus que jamais une nécessité. 

 

 

Stéphane Bellec avocat propriété intellectuelle

sbellec@debaecque-avocats.com
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