Le nouveau régime de l’occultation des adresses des dirigeants d’entreprise
Ces derniers mois, des entrepreneurs et dirigeants d’entreprises ont été victimes d’agressions et d’enlèvements ou tentatives d’enlèvement à proximité de leur domicile. Étaient particulièrement visés des individus opérant dans le secteur de la cryptomonnaie, comme le co-fondateur d’une start-up spécialisée dans ce domaine, enlevé et séquestré avec son épouse en janvier 2025.
Ces agressions visant ces dirigeants, et dans certains cas des membres de leur famille, ont provoqué une indignation générale, et la réaction de plusieurs chefs d’entreprises et entités politiques. Pour tenter d’endiguer ce phénomène, ceux-ci se sont interrogés sur les risques provoqués par l’accès public aux adresses personnelles des dirigeants d’entreprise.
Cet accès posait en effet plusieurs problématiques quant aux brèches créées par l’ouverture de ces données sur la confidentialité et le droit à la vie privée.

La prééminence de la confidentialité des données personnelles
En réponse, le décret n° 2025-840 du 22 août 2025, entré en vigueur le 25 août 2025, a sonné le glas de la publicité obligatoire des adresses personnelles des dirigeants d’entreprise.
Auparavant, ces adresses figuraient nécessairement sur différents actes de l’entreprise, notamment sur les K-bis, dont des extraits étaient souvent largement accessibles en une brève recherche sur le web. Ce principe correspondait à celui de la publicité légale, permettant, selon les dispositions du Code de commerce, de porter à la connaissance du public certains actes ou pièces déposés de l’entreprise.
Depuis l’entrée en vigueur de ce décret, les dirigeants d’entreprises ont la faculté de demander que leur adresse personnelle soit occultée sur les différents actes publics de l’entreprise.
Les personnes pouvant bénéficier de cette mesure sont les dirigeants personnes physiques, les représentants légaux de l’entreprise et les associés indéfiniment responsables de la personne morale.
L’étendue de la confidentialité visée par ce décret s’étend aux K-bis ainsi qu’aux actes de l’entreprise passés ou futurs figurant au registre du commerce et des sociétés (RCS) ou au registre national des entreprises (RNE). La demande d’occultation de l’adresse personnelle se fait via le guichet unique des formalités des entreprises de l’INPI.
Désormais, pour chaque dépôt d’acte, une case indiquant : « Je demande que ce document ne soit pas diffusé publiquement et joins une version publique ci-dessous » peut être cochée par le dirigeant.
Le processus d’anonymisation peut également être effectué pour les actes antérieurs et déjà déposés. La demande est également déposée auprès du guichet unique, et est ensuite traitée dans un délai de 5 jours francs par le greffier du tribunal de commerce qui se charge le cas échéant d’anonymiser les actes passés.
L’accès aux informations toujours assurée pour un certain nombre d’entités
Toutefois, plusieurs personnes pourront toujours avoir accès aux adresses personnelles du dirigeant. La liste qui figure à l’article R. 123-54-2 du Code de commerce inséré par le décret du 22 août 2025 fait notamment bénéfice de cette exception aux :
- autorités judiciaires,
- aux agents des douanes et des finances publiques,
- aux représentants légaux de la société,
- à ses associés,
- aux créanciers des personnes physiques.
Cette exception est également appliquée aux entités figurant à l’article R.123-318 du Code de commerce qui vise, entre autres les notaires, les administrateurs et mandataires judiciaires ou encore les commissaires de justice.
Le décret ne mentionne pas explicitement le mécanisme à invoquer pour lever l’anonymat sur les adresses en question, mais il semble donc envisageable de faire appel à un commissaire de justice pour procéder si besoin à la levée de l’anonymat de l’adresse personnelle des dirigeants.
Ainsi, l’accès à la publicité légale reste garanti pour un certain nombre d’acteurs et d’entités et permet de maintenir une certaine transparence dans la vie des affaires.

Stéphane Bellec, associé
Avocat Propriété Intellectuelle
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