Nouvelles règles de TVA sur le marché de l’art : Un régime simplifié, favorable aux acteurs français
La directive « taux » (n°2022/542), adoptée le 5 avril 2022 par le Conseil de l’Union européenne, instaure un nouveau régime de TVA applicable aux transactions portant notamment sur les œuvres d’art, les objets de collection et les objets d’antiquité. Cette directive a été transposée en droit français par la loi de finances pour 2024. Le nouveau régime est ainsi applicable depuis le 1er janvier 2025. Il est favorable aux professionnels du marché de l’art français, car il simplifie et uniformise les règles applicables (en particulier en matière de taux et d’assiette de la TVA), tout en maintenant une fiscalité très attractive.

© Kavindu Dilshan – stocke.adobe.com
Quels sont les objectifs de la réforme de la TVA ?
Cette réforme poursuit trois objectifs principaux.
- Premièrement, uniformiser et simplifier le régime de la TVA applicable au marché de l’art. Cela est permis par la généralisation du taux réduit de TVA de 5,5% sur le prix de vente. Ce taux réduit était déjà applicable à certaines opérations notamment à l’achat d’une œuvre d’art directement auprès d’un artiste ou de ses ayants droits. Désormais, il est en principe applicable à toutes les opérations.
- Deuxièmement, maintenir les marges réalisées par les professionnels soumis à la TVA (on parle d’ « assujettis »), sans augmenter considérablement les prix de vente.
- Enfin, assurer l’attractivité du marché de l’art français, avec un taux compétitif par rapport à la fiscalité des pays étrangers (par comparaison, 6% en Belgique, 7% en Allemagne, et 8% au Luxembourg).
Quelles sont les personnes concernées par la réforme ?
Les personnes physiques ou morales qui exercent de manière indépendante une activité économique à titre habituel, sont assujetties à la TVA. Les professionnels qui acquièrent ou importent en vue de leur revente des œuvres d’art, objets de collection ou d’antiquité, sont en principe assujettis à la TVA, qu’ils agissent « pour leur compte ou pour le compte d’autrui, mais en leur nom propre en qualité d’intermédiaire à l’achat ou à la vente » (BOFIP, BOI-TVA-SECT-90-20-20). On parle plus exactement d’assujettis-revendeurs. C’est notamment le cas des négociants de biens d’occasion, comme les antiquaires, les marchands, les galeries, etc.
Il existe toutefois des exceptions.
- D’une part, le régime de la « franchise en base » exonère les personnes physiques ou morales assujetties de la déclaration et du paiement de la TVA sur les prestations ou ventes qu’elles réalisent, lorsque leur chiffre d’affaires est faible (inférieur à 85.000 € pour la vente de marchandises, avec une tolérance jusqu’à 93.500 € pendant un an).
- D’autre part, certaines opérations sont exonérées en raison de leur nature. C’est notamment le cas de l’exportation de biens d’occasion, d’œuvres d’art, d’objets de collection ou d’antiquité en dehors du territoire fiscal de l’Union européenne.
Les professionnels du marché de l’art assujettis à la TVA doivent donc se mettre en conformité avec le nouveau régime.
Quand appliquer les nouvelles règles de la TVA ?
Le nouveau régime est entré le vigueur le 1er janvier 2025. Par conséquent, les prestations réalisées jusqu’au 31 décembre 2024 ne sont pas concernées, même lorsque l’encaissement du prix intervient après cette date.
En outre, pour les prestations réalisées après le 1er janvier 2025 mais qui ont donné lieu au paiement d’acomptes avant cette date, seule la TVA afférente au solde sera soumise au nouveau régime d’imposition.
Quelles règles de la TVA sont abrogées ?
L’apport majeur de la réforme tient à la suppression de l’option pour le régime de la marge. Ce système était très complexe. Les assujettis-revendeurs pouvaient décider de ne pas appliquer le taux réduit de TVA de 5,5% sur le prix total de vente, et opter pour l’application de la TVA au taux normal de 20% mais seulement sur leur marge bénéficiaire (ancien article 297 B du Code général des impôts – CGI). Par dérogation, l’assiette d’imposition était donc la différence entre le prix de vente du bien et son prix d’achat, alors que l’assiette normale de la TVA est le prix total.
Pour compliquer les choses, lorsque le prix d’achat d’une œuvre ne pouvait pas être précisément déterminé ou n’était pas significatif, la marge pouvait être calculée de manière forfaitaire, à hauteur de 30% du prix de vente. Ce régime dit de la « marge forfaitaire » a également été supprimé (ancien article 297 A du CGI).
Quelles sont les nouvelles règles de la TVA ?
-
Le principe, un taux unique réduit de 5,5 % et une assiette unique sur le prix de vente
Le régime de la TVA est unifié. Par principe, le taux réduit de TVA de 5,5% est désormais applicable à toutes les opérations (article 278-0 bis I du CGI). L’assiette est le prix total de vente (en additionnant le prix d’achat HT, la marge HT et les éventuels frais).
Ainsi, le taux réduit s’applique systématiquement à toutes les opérations :
- aux ventes d’œuvres par les artistes ;
- aux ventes par les professionnels « assujettis-revendeurs » : galeristes, marchands, maisons de ventes, etc. ;
- aux importations et aux acquisitions intracommunautaires ;
- aux livraisons d’œuvres effectuées à titre occasionnel, et pour lesquelles la TVA a été déduite lors de leur achat, par exemple les acquisitions de sociétés mécènes ou d’investissement, qui revendent des œuvres d’art qu’elles avaient initialement achetées pour les présenter au public et sans intention de les revendre.
Enfin, pour le premier marché, le taux réduit de TVA de 5,5% s’applique tant à l’opération d’achat, de la galerie auprès de l’artiste ; qu’à l’opération de revente, de la galerie au collectionneur.
-
L’exception, une TVA de 20% sur la marge bénéficiaire
Par exception, la TVA est applicable au taux normal de 20% sur la marge bénéficiaire, lorsque la vente d’une œuvre est faite par un assujetti-revendeur qui l’a acquise (Article 297 A du CGI) :
-
Auprès d’une personne non redevable de la TVA : C’est notamment le cas des non-assujettis à la TVA, tels que les particuliers, qui cèdent leur collection ou le mobilier de leurs ancêtres ;
-
Ou auprès d’une personne non autorisée à facturer de la TVA : C’est le cas des personnes qui ne sont pas redevables de la TVA, par exemple parce qu’elles bénéficient du régime de franchise (un artiste ou un brocanteur sous les seuils d’application de la TVA) ; ou d’un assujetti-revendeur qui aurait lui-même appliqué le régime de la TVA sur la marge, par exemple un galeriste qui aurait acheté une œuvre à un particulier.
- Une option « au coup par coup » pour le taux réduit de 5,5% sur le prix de vente, lorsque le taux de TVA de 20% sur la marge est en principe applicable.
Enfin, même si le système de la marge bénéficiaire est applicable, les assujettis peuvent désormais opter pour le retour à l’application du régime standard du taux réduit de TVA de 5,5% sur le prix de vente, « au coup par coup », opération par opération (article 297 C du CGI). Il appartiendra donc au bénéficiaire de l’option de choisir en opportunité. Il est probable que le souci de simplification conduise nombre d’acteurs à privilégier le régime standard.
Quels sont les impacts concrets de la réforme ?
Un exemple s’impose pour comprendre les implications concrètes de la réforme. Prenons le cas d’une œuvre d’art achetée 4.000 € et revendue avec une marge de 2.500 €. Le montant de la TVA dépend du régime applicable à l’opération. Il influe évidemment sur le prix final, taxes comprises, payé par l’acheteur.
Principe TVA à 5,5 % sur le prix |
Exception TVA à 20 % sur la marge |
|
Prix d’achat |
4.000 € |
4.000 € |
Marge |
2.500 € |
2.500 € HT soit 3.000 € TTC |
TVA |
357,50 € ((4.000 + 2.500) X 5,5%) |
500 € (2.500 x 20%) |
Prix de revente |
6.857,50 € TTC |
7.000 € TTC |
Dans l’hypothèse où le taux réduit de 5,5% est applicable, le montant de TVA est toujours de 357,50€. L’option pour la marge n’existe plus.
Dans celle où la TVA est applicable au taux normal de 20% sur la marge bénéficiaire, le montant de la TVA est en principe de 500€. Mais l’assujetti-revendeur peut opter pour le taux réduit de 5,5% sur le prix afin que le prix final supporté par l’acheteur soit moindre.
Conclusion
Le nouveau régime est doublement favorable aux acteurs français du marché de l’art. Il est peu élevé et simplifie grandement leur comptabilité. Toutefois, à l’heure où ces lignes sont écrites, la doctrine fiscale, qui fixe les règles d’interprétation des règlementations, n’est pas publiée. Il existe donc quelques zones d’ombres quant aux modalités exactes d’application de la réforme et à ses subtilités. Dans l’attente de plus amples précisions, les acteurs du marché devront agir avec prudence et bonne foi.