Faut-il traduire les pièces soumises au tribunal ?
Cette question pratique revient de manière récurrente dans les litiges liés à des droits de propriété intellectuelle. En particulier, dans les actions en déchéance de marques, les preuves d’exploitation ou les contrats de licence sont souvent rédigés dans une autre langue. Notre cabinet d’avocat fait le point sur l’obligation de traduction des pièces et sur la célèbre ordonnance de Villers-Cotterets de 1539 !
Obligation de traduction : des textes anciens
L’article 111 de l’ordonnance de Villers-Cotterêts d’août 1539 dispose : “Et pour ce que telles choses sont souvent advenues sur l’intelligence des mots latins contenus dans lesdits arrêts, nous voulons dorénavant que tous arrêts, ensemble toutes autres procédures, soit de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soit de registres, enquêtes, contrats, commissions, sentences, testaments et autres quelconques actes et exploits de justice ou qui en dépendent, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties, en langage maternel français et non autrement”.
De manière étonnante, aucun texte ultérieur ne vient donner de précisions. Si notre Constitution prévoit que la langue officielle de la République est le français, aucun texte ne prévoit la nullité des actes publics rédigés en langue étrangère.
La jurisprudence du Conseil constitutionnel et celle du Conseil d’État convergent sur ce point : même si l’ordonnance de Villers-Cotterêts a été abrogée, l’usage exclusif de la langue française reste obligatoire dans les relations des usagers avec les services publics, dont celui de la justice, mais pas dans les relations des particuliers entre eux.
Obligation de traduction : une application souple
La jurisprudence est nuancée pour ce qui concerne les pièces annexées à la requête, ce qui peut conduire à une certaine insécurité juridique : lorsque de telles pièces sont rédigées dans une langue autre que le français, le juge a la faculté, mais non l’obligation, d’exiger leur traduction si cela lui est nécessaire pour procéder à un examen éclairé des conclusions de la requête.
Sur ce point, la récente décision du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, le 4 juin 2020 au sujet d’un litige de contrefaçon de marque figurative est instructive. Elle rappelle clairement, au sujet de l’ordonnance de Villers-Cotterêts : «Il est constamment jugé au visa de ce texte qu’il ne concerne que les actes de procédure et qu’il appartient aux juges, dans l’exercice de leur pouvoir souverain, d’apprécier la force probante des éléments qui leur sont soumis en particulier lorsqu’ils sont rédigés dans une langue étrangère. Il en résulte que, si le juge peut écarter un document en langue étrangère, il n’est pas tenu de le faire, et peut au contraire décider de le retenir à condition d’en indiquer la signification en français. Aussi, l’absence de traduction n’étant pas en elle-même une cause d’irrecevabilité des pièces, cette demande sera rejetée”.
Bien évidemment, nous conseillons de faciliter le travail des tribunaux en leur permettant d’apprécier rapidement la qualité des preuves soumises lors d’un litige. Les procès en contrefaçon sont souvent internationaux et nous recommandons de présenter une traduction des pièces lorsque cela est nécessaire. Notre cabinet établit une stratégie de défense pour optimiser vos chances de succès tout en maintenant des coûts adéquats en fonction de vos enjeux.
Stéphane Bellec, avocat associé du Cabinet De Baecque, Fauré, Bellec
Avocat Propriété Intellectuelle
Tél. + 33 (0) 1 53 29 90 00
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