De l’obligation d’exploiter une licence !
La cour d’appel de Rennes s’intéresse à l’obligation d’exploiter une licence exclusive et aux conditions de la commercialisation des créations. Elle relève de nombreux manquements de l’éditeur dans le cadre de ses obligations contractuelles.
L’obligation d’exploitation dans le cadre d’une licence exclusive
Un contrat lie une créatrice d’objets textiles et une société éditrice de créations. Aux termes de ce contrat, la créatrice cède ses droits de reproduction, de diffusion et de commercialisation sur ses œuvres à titre exclusif pour une durée de 10 ans dans le monde entier. En contrepartie, la société s’engage à exploiter de manière sérieuse et avec diligence l’activité commerciale visée.
Si le contrat s’intitule contrat cadre de licence, il correspond en réalité à la définition même du contrat d’édition (article L 132-1 du Code de la propriété intellectuelle). À chaque nouvelle création, un contrat annexe doit être conclu pour déterminer l’étendue de la cession des droits visés et les autres conditions de commercialisation. notamment le nombre d’exemplaires du premier tirage.
La créatrice adresse une lettre de résiliation à son cocontractant pour manquement à ses obligations contractuelles. En effet, celle-ci n’aurait ni exploité ni diffusé les œuvres objets du contrat d’édition.
Or, en tant qu’éditeur, la société conserve sa liberté éditoriale. Ainsi, elle peut choisir de commercialiser ou non les créations proposées, sauf en cas de commande de nouveautés.
C’est d’ailleurs ce point que la créatrice reproche à son cocontractant. Elle estime avoir travaillé sans aucune rémunération sur des œuvres commandées par la société, qui a décidé finalement de ne pas commercialiser ces nouveautés. Or, l’éditeur aurait dû faire fabriquer ces œuvres commandées par lui.
La cour d’appel de Rennes, dans sa décision du 20 juin 2023, reconnaît que l’obligation d’exploitation qui pèse sur l’éditeur l’oblige à commercialiser les œuvres dans un délai raisonnable. En outre, l’exploitation doit s’effectuer de manière suivie et permanente.
En l’espèce de nombreuses créations commandées n’ont jamais été éditées ou alors de manière très tardive plus de deux ans après la remise de la création.
Les autres obligations dans le cadre d’un contrat d’édition
La cour d’appel de Rennes relève plusieurs autres violations des dispositions légales ou contractuelles :
- Elle condamne l’éditeur pour son absence de transparence et de communication, en violation de son obligation de rendre des comptes à la créatrice.
- Elle sanctionne également les mesures de rétorsion prises par l’éditeur : ne plus exploiter aucune œuvre à compter de mise en demeure de la créatrice rémunérée au pourcentage des ventes, revient à la priver de toute rémunération.
- La société éditrice se voit condamnée au titre de l’atteinte au droit moral de l’auteur, pour absence de mention du nom de la créatrice sur certains sites internet diffusant les produits.
- L’absence de signature des contrats annexes en vertu du principe de confiance constitue un manquement de l’éditeur. La renonciation expresse et non équivoque par la créatrice à cette obligation n’est pas rapportée. C’était pour elle le seul moyen d’affirmer la cession des droits de reproduction sur chaque œuvre dans le cadre du contrat cadre.
- L’éditeur n’aurait pas été diligent dans les actions en contrefaçon à intenter à la demande de la créatrice, conformément au contrat.
Pour conclure, cette décision rappelle la nécessité d’une rédaction adéquate d’un contrat cadre de licence exclusive comme d’édition exclusive d’œuvres. En outre, le suivi de la bonne exploitation du contrat est tout aussi impératif. Au moindre écart, la consultation d’un avocat en propriété intellectuelle permet d’adopter la bonne stratégie. L’obligation d’exploiter une licence doit être au cœur des préoccupations des cocontractants avant la signature de tout contrat.
Stéphane Bellec, associé
Avocat Propriété Intellectuelle
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