Le principe de neutralisation en droit des marques : la force n’est pas avec Naboo
Une saga interplanétaire aussi célèbre que Star Wars ne suffit pas à pouvoir adopter comme marque le nom de chaque planète inventée par l’auteur. Le principe de neutralisation en droit des marques connaît des limites. Le déposant de la marque NABOO vient de l’apprendre à ses dépens.

Qu’est-ce que le principe de neutralisation en droit des marques ?
Le principe de neutralisation en droit des marques permet à des différences conceptuelles de mettre en échec des ressemblances visuelles et phonétiques entre deux marques.
Lors de l’examen de deux marques, l’appréciation de leur coexistence repose sur le risque de confusion dans l’esprit du public concerné. Or, une différence de sens d’une marque permet parfois de rendre moins probable une confusion entre deux signes proches sur les plans visuel et phonétique.
Plusieurs décisions ont déjà fait usage du principe de neutralisation, en particulier avec des noms de personnages célèbres, réels ou fictifs : les marques ROCKY, MESSI ou MILEY CYRUS ont ainsi fait valoir à bon escient leur différence conceptuelle forte.
Le cas NABOO
La cour d’appel de Paris a voyagé dans l’univers Star Wars dans sa récente décision du 19 mars 2025.
En effet, une société dépose la marque NABOO pour des services de télétravail en 2022. Le titulaire de la marque antérieure NABU, enregistrée pour des services informatiques, engage une procédure d’opposition.
Le directeur de l’INPI annule partiellement la demande d’enregistrement pour certains services. Le déposant porte alors l’affaire devant la cour d’appel de Paris.
NABOO est le nom d’une des planètes évoquées dans la saga Star Wars de Lucas Films. Voici donc le principal argument du déposant pour coexister avec la marque antérieure NABU.
Le cour d’appel de Paris s’interroge : le public concerné par les services informatiques et le télétravail associe-t-il automatiquement le mot NABOO à la saga La Guerre des Étoiles ? Cette planète est-elle si connue du public ? La cour d’appel ne retient pas cet argument et confirme le rejet partiel de la marque NABOO :
- Sur le plan visuel, les signes en présence sont constitués d’un seul terme de longueur comparable, comportant 3 lettres communes en attaque. La physionomie globale est donc très semblable.
- Sur le plan phonétique, les signes possèdent un même rythme en deux syllabes dont la première est identique. La seconde est très proche. La similitude phonétique est donc forte.
- Sur le plan intellectuel, les signes n’ont pas de signification immédiate pour le public français visé. Ce dernier ne percevra pas d’emblée le signe contesté comme une référence à la planète Naboo créée dans les films Star Wars.
A la différence des décisions précitées, en l’espèce, il s’agit simplement du nom d’une des planètes des films. La notoriété est donc bien moindre que celle d’un footballeur, d’une chanteuse ou d’un sportif.
Ce dossier est à rapprocher de l’affaire du dépôt de marque d’un personnage de la série Emily in Paris, 2 mois après le lancement de la série. La notoriété d’un film ou d’une série ne s’étend pas nécessairement à tous ses personnages et lieux.

Stéphane Bellec, associé
Avocat Propriété Intellectuelle
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