Le règlement européen sur les moteurs de recherche et les plateformes
L’Europe s’est dotée d’un nouvel outil de régulation des nouvelles technologies. La protection des consommateurs européens et la lutte contre les abus de position dominante des mastodontes américains et chinois du digital forment le socle de ce nouveau règlement européen. Quelles sont les implications de ce règlement entré en vigueur depuis quelques mois ? L’Europe parviendra-t-elle à stopper l’emprise sans contrôle des GAFA ? Assurer l’équité et la transparence n’est-il pas vain dans un monde digital ?
Le Règlement européen n°2019/1150 est entré en vigueur le 12 juillet 2020. Il vise à assurer “l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d’intermédiation en ligne”.
Qu’est-ce qu’un service d’intermédiation en ligne ?
Un service d’intermédiation concerne tout service qui met en relation un consommateur avec un professionnel vendant un produit ou un service. Ces services concernent la vie quotidienne de chacun dans un monde numérique : les marketplaces comme Amazon, les moteurs de recherche comme Google, les réseaux sociaux comme Instagram ou Facebook, les comparateurs de prix comme TripAdvisor ou Booking et les boutiques d’applications comme l’Appstore. Il est intéressant de noter que les services de paiement en ligne et les services financiers sont exclus.
En outre, ce règlement a une portée extraterritoriale : dès lors que le service est consommé sur le territoire européen, il a vocation à s’appliquer, quelle que soit la nationalité de l’entreprise à la tête de la plateforme d’intermédiation.
Quelles obligations pour les entreprises concernées ?
Les intermédiaires visés par ce Règlement européen doivent mettre à jour leurs conditions générales dans le but de :
- proposer des conditions générales claires et compréhensibles (ce qui serait vraiment une innovation majeure !) ;
- rendre ces conditions générales accessibles à toutes les étapes ;
- préciser les conditions de suspension ou de résiliation aux entreprises utilisatrices ;
- préciser les effets des conditions générales sur la propriété et le contrôle des droits de propriété intellectuelle de ces entreprises utilisatrices.
Il semble que la plupart de ces obligations existaient déjà en droit français. Le Règlement offre donc une harmonisation au niveau européen. Et c’est surtout l’application concrète de ces mesures qui pose problème. Comment l’Europe peut-elle contraindre un GAFA de se soumettre à ses contraintes règlementaires ?
Combien d’entreprises européennes ont fait faillite suite au bon vouloir d’une entreprise en situation de monopole. Les exemples de déréférencement d’un site sur un moteur de recherche ou de suppression d’une application sont nombreux. Si le grand public commence à percevoir la force des GAFA grâce aux réseaux sociaux et aux récents scandales liés aux données personnelles, les entreprises européennes l’ont perçu depuis longtemps.
C’est surtout un droit à se défendre que le Règlement organise. Ainsi, désormais, si un moteur de recherche supprime un site à la suite d’un signalement d’un tiers, l’entreprise aura accès à la notification. Ce droit à l’information permet d’organiser sa défense. En outre, un système de gestion interne des plaintes et médiation afin de régler dans les meilleurs délais les litiges.
Cela peut sembler vain, cela peut ressembler au combat d’une vieille Europe contre les géants digitaux qui ont envahi la vie de chacun. Il convient d’attendre encore quelques mois pour juger de l’efficacité du nouveau Règlement européen.
Stéphane Bellec, avocat associé du Cabinet De Baecque, Fauré, Bellec
Avocat Propriété Intellectuelle
Tél. + 33 (0) 1 53 29 90 00
Étiquettes : Droit européen, Réseaux sociaux