Restauration, authenticité et responsabilité de l’expert
La plupart des objets anciens ont subi des nettoyages, entretiens ou restaurations. Par conséquent, la prise en compte des restaurations pour déterminer l’authenticité constitue une problématique récurrente de l’expertise d’objets d’art.
Une décision récente de la cour de cassation traite de cette question. Elle est publiée au bulletin de la cour qui entend ainsi signaler son importance (Civ. 1ère 21 octobre 2020, 19.10 536, F P +B).
Les faits sont les suivants. Lors d’une vente aux enchères publiques, un enchérisseur a acquis une bibliothèque attribuée à Jean PROUVÉ, pour le prix de 35.000 euros, puis une paire de fauteuils attribués à Charlotte PERRIAND, pour le prix de 50.000 euros. Ultérieurement, l’acheteur présente, à une autre maison de vente, les mêmes objets pour les revendre. Elle rejette les objets qu’elle n’estime pas authentiques.
L’acheteur assigne le Commissaire-priseur en annulation de la vente et une expertise judicaire est ordonnée. Selon l’Expert judiciaire, la bibliothèque, bien qu’authentique, avait été restaurée à plus de 80 % et les fauteuils étaient des copies. En appel, le Commissaire-priseur est condamné en responsabilité solidairement avec l’Expert de la vente.
Le Commissaire-priseur se pourvoit en cassation. Mal lui en a pris.
La Cour statue (en application des articles L. 321-17, alinéa 1er, du code de commerce et 1382, devenu 1240 du code civil), qu’à l’égard de l’acquéreur, le Commissaire-priseur, qui affirme sans réserve l’authenticité de l’œuvre d’art qu’il est chargé de vendre ou ne fait pas état des restaurations majeures qu’elle a subies, engage sa responsabilité. Le fait qu’il se soit reposé sur un Expert est indifférent.
La Cour fait ainsi application d’une jurisprudence récurrente selon laquelle le professionnel du marché qui affirme, sans réserve, l’authenticité d’une œuvre d’art engage sa responsabilité. En effet, toute une série d’arrêts ont déjà statué sur cette responsabilité de l’Expert, qui confine à l’obligation de résultat (Civ., 7 nov. 1995, Civ 3 avril 2007, Civ 28 juin 2007).
Mais cette décision est novatrice en ce qu’elle étend la responsabilité du Commissaire-priseur, et donc de tout professionnel, au défaut de signalement de restaurations majeures dans le descriptif de l’œuvre.
Le débat reste ouvert sur la notion de « restauration majeure ».
Quoi qu’il en soit, il sera suggéré à l’expert de prudemment signaler dans les descriptifs d’œuvres les restaurations et d’émettre des réserves, en l’absence de certitude sur leur étendue.
Olivier de Baecque, avocat associé du Cabinet De Baecque Bellec
Avocat Propriété Intellectuelle
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