Vente en ligne de contrefaçons : comment faire cesser le trouble ?
DROIT DES MARQUES – Le tout nouveau tribunal judiciaire de Paris a rendu une décision intéressante en matière de contrefaçon de marque. En référé, il ordonne aux fournisseurs d’accès à internet (FAI) de bloquer l’accès à des sites proposant des montres contrefaites de marques prestigieuses. Cette application inédite de la loi LCEN est une aubaine pour faire cesser les troubles en France issus d’un site de contrefaçons.
Les sites de contrefaçons se multiplient
Trois sites proposaient à la vente des montres contrefaites de marques célèbres. Ces sites rédigés en langue française affichaient des tarifs dérisoires. Le groupe Richemont, propriétaire notamment des marques CARTIER, MONT BLANC, PIAGET, VACHERON CONSTANTIN a tenté d’agir à l’encontre des créateurs de ces sites. Hélas, sans succès ! Dissimulés derrière de nombreux intermédiaires, il a été impossible de remonter jusqu’aux responsables : absence de mentions légales, de coordonnées, anonymisation.
Faute de pouvoir impliquer utilement l’éditeur des sites et l’hébergeur, le groupe Richemont a demandé au tribunal de faire bloquer l’accès en France par les principaux fournisseurs d’accès internet. Il s’agit d’une application inédite de la loi sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN) au droit des marques. Jusqu’à présent, la loi avait été appliqué pour faire cesser des atteintes à la liberté d’expression, des propos racistes et haineux, notamment dans l’affaire du site democratieparticipative.biz.
L’application de la loi LCEN en droit des marques
L’article 6-I-8 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 (loi LCEN) prévoit que « L’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, à toute personne mentionnée au 2 ou, à défaut, à toute personne mentionnée au 1, toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne ».
Le tribunal a conclu, le 8 janvier 2020, que cet article était applicable au droit des marques. En effet, le législateur n’avait pas écarté la LCEN au profit du référé interdiction, spécifique au droit des marques.
Les conditions d’application sont vérifiées :
- Existence d’un trouble manifestement illicite ;
- Preuve de la contrefaçon de marques par le constat d’huissier et par les noms de domaine employés;
- Impossibilité d’agir contre l’éditeur et l’hébergeur.
Par conséquent, le tribunal judiciaire de Paris, ordonne aux quatre principaux FAI français d’interdire sous quinze jours et pour douze mois, l’accès depuis la France aux sites vecteurs de la contrefaçon. Il est bon de noter que les frais de blocage sont pris en charge par le groupe Richemont, sur présentation des factures par les FAI.
Cette décision ouvre une nouvelle voie efficace pour lutter contre les contrefaçons sur internet réalisées par des auteurs non identifiables.
Stéphane Bellec, avocat associé du Cabinet De Baecque, Fauré, Bellec
Avocat Propriété Intellectuelle
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