Noms de domaine dans le métavers : quelle stratégie de protection ?
Le droit des noms de domaine est né il y a une vingtaine d’années simultanément à la création de l’Internet. Depuis peu, un marché parallèle s’est développé pour les noms de domaines dans le métavers. Cet univers virtuel pose de nombreuses questions juridiques pour les entreprises. Métavers et noms de domaine, quelle protection et quelle surveillance adopter ?
Le premier nom de domaine aurait été acquis en 2014 par l’artiste new-yorkais Kevins McCoy et l’entrepreneur Anil Dash afin d’accéder à une œuvre dématérialisée créée par le biais de la blockchain Namecoin. Cette technologie n’a pris son essor que récemment en soulevant de nouvelles questions juridiques.
Le nom de domaine, signe distinctif de l’entreprise
Le nom de domaine est une dénomination unique à caractère universel qui permet de localiser une ressource, un document sur internet. Il indique la méthode pour y accéder, le nom du serveur et le chemin à l’intérieur du serveur (Fiche d’orientation Dalloz, aout 2021).
Au même titre que la marque, il s’agit d’un signe distinctif pour chaque entité économique ayant une présence sur Internet.
Le nom de domaine peut ainsi faire l’objet de cybersquatting. Cette pratique consiste à enregistrer abusivement un nom de domaine identique ou similaire à un nom de domaine antérieur. L’acquéreur cherche ainsi à profiter indûment de la confusion engendrée par l’utilisation du nom ou souhaite nuire à un tiers en portant atteinte à son image ou en revendant le nom plus cher.
Le nom de domaine est donc un élément valorisable pour chaque entreprise. Il est important qu’il soit protégé par des procédures efficaces pour éviter ce genre de pratique.
La protection des noms de domaine sur Internet
Les noms de domaine fonctionnent grâce au Domain Name System (DNS) qui assure la traduction entre le nom de domaine et l’adresse IP de la machine. L’enregistrement des noms de domaine se fait auprès de « Registrar » déterminés. En France, il faut s’adresser au bureau de l’AFNIC (Association pour le nommage internet en coopération) pour acheter un nom. A l’international, il s’agit de l’ICANN (Internet corporation for assigned names and numbers) qui est également un organe de régulation, vecteur d’une politique commune à tous les noms de domaines.
Cet organisme a notamment créé la procédure UDRP (Uniform domain-name dispute resolution policy). Il s’agit d’un outil central de la protection extrajudiciaire des noms de domaine qui permet de lutter contre l’enregistrement abusif et l’utilisation de mauvaise foi des noms de domaine. Il existe 5 centres d’arbitrage dont le Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Nous l’avons évoqué récemment avec le litige france.com.
La nouveauté des noms de domaines dans le métavers
Les noms de domaines dans le métavers permettent d’identifier les jetons d’une blockchain afin de simplifier l’accès des utilisateurs à leurs ressources. Ils présentent un intérêt notamment pour les portefeuilles de cryptomonnaie ou les NFT (non-fungible token).
Leur syntaxe ressemble aux noms de domaines classiques mais ils se terminent par des suffixes comme .eth, .btc, .ada, .crypto, .nft, .wallet, .coin, .bitcoin, .dcl.eth, etc.
Contrairement aux noms de domaines traditionnels, ils ne sont pas lisibles à partir d’un lecteur DNS mais il faut passer par un site spécifique ou télécharger un plug-in pour lire l’adresse.
Le métavers s’est construit en opposition à ce système international afin d’échapper à ce contrôle. Le marché s’organise en créant ses propres outils dont un système de dénomination et des bureaux d’enregistrement pour la vente et l’hébergement de ces noms de domaine dans le métavers.
En l’absence d’une autorité centrale de régulation, il faut donc se tourner vers chaque bureau d’enregistrement pour signaler une atteinte à un droit de propriété intellectuelle. Or, l’une des problématiques majeures est l’anonymat des détenteurs de noms de domaine dans le métavers.
De nombreux auteurs soulèvent une certaine incertitude quant à l’efficacité de ces procédures et la protection efficace des droits.
Alors que certaines marques de grande renommée ont déjà fait l’acquisition des noms de domaines afférents à leur site dans le métavers, la question se pose de la stratégie juridique à adopter pour protéger les noms de domaines dans le métavers.
Stéphane Bellec, avocat associé du Cabinet De Baecque Bellec
Avocat Propriété Intellectuelle
Tél. + 33 (0) 1 53 29 90 00
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