La validité de la marque france.com ?

La validité de la marque dépend de sa disponibilité par rapport aux droits antérieurs. La Cour de cassation intervient pour éviter l’enregistrement de la marque france.com comme portant atteinte aux droits de l’État français. C’est l’occasion de revenir sur les piliers du droit des marques.

validité de la marque france.com

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L’enregistrement d’une marque comportant le nom d’un pays

La Cour de cassation a de nouveau démontré dans un arrêt du 6 avril 2022 (Cass. Com. 6 avril 2022, n°17-28.116) qu’elle pouvait  consacrer des droits antérieurs afin d’interdire l’usage de certains signes à des déposants.

Dans cette affaire, une société américaine a déposé le signe FRANCE.COM et le nom de domaine associé afin de désigner un service de tourisme en France. Ce signe distinctif lui a été transféré à la suite d’une procédure à laquelle l’État français était intervenu. L’enregistrement de la marque france.com est annulé.

La Cour de cassation associe le nom du pays au nom patronymique d’une personne physique, en tant qu’élément d’identité. La Cour vient apporter la précision que le suffixe « .com » à la fin du signe distinctif ne permet pas d’écarter tout risque de confusion dans l’esprit du public, son appréciation est ici indifférente dans l’ensemble de la marque.

Pour justifier de la création d’une antériorité constituée par le nom d’un État, la Cour énonce que l’appellation « France » constitue pour l’État français un élément d’identité, en ce que le terme désigne le territoire national dans son identité économique, géographique, historique, politique et culturelle.

Une liste non exhaustive d’antériorités

L’État français est par conséquent en droit de revendiquer un droit antérieur au sens de l’article L. 711-4 du CPI. Cet article prévoit une liste non exhaustive des antériorités possibles, par la présence de l’adverbe « notamment ». Ainsi, parmi les conditions de validité de la marque, le Code de la propriété intellectuelle prévoit notamment la disponibilité du signe.

Dans son pourvoi, la société américaine invoquait que l’article L. 711-4 du CPI était exhaustif. Seules les antériorités visées pouvaient être invoquées, antériorités parmi lesquelles le nom d’un État n’est pas mentionné.

Ce moyen, en plus d’être contraire à la lettre de l’article qui prévoit « notamment » certaines antériorités, et également en contradiction avec son application par les juges. En effet ces derniers ont déjà pu annuler des marques sur le fondement d’un droit antérieur constitué par exemple par le nom d’un cheval célèbre (CA Bordeaux, 26 mars 2019, n°17/03991).

Le nouvel article L 711-3 issu de la rédaction de l’ordonnance du 13 novembre 2019 a conservé l’adverbe notamment. Il précise d’ailleurs que ne peut être enregistrée une marque qui porte atteinte à :

8° Un droit de la personnalité d’un tiers, notamment à son nom de famille, à son pseudonyme ou à son image ;

9° Le nom, l’image ou la renommée d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale ;

10° Le nom d’une entité publique, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.

Qu’en est-il du nom de domaine france.com ?

Persévérante, la société américaine a poursuivi sur le terrain du nom de domaine france.com, dont le transfert à l’État français avait été ordonné par les tribunaux. Après avoir perdu devant la Cour Suprême américaine, elle a décidé de saisir le Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle). La procédure non judiciaire repose sur les principes de l’UDRP (Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine). Dans sa décision du 5 septembre 2022, la commission rejette la demande en raison de l’attribution du nom de domaine par une décision devenue définitive de la juridiction française.

Le litige ne pouvant relever du cybersquatting, la commission estime que cela dépasse ses compétences. Elle rejette la demande sans même rendre de décision sur le fond. Est-ce la fin de cette saga judiciaire ? Peut-être pas puisque la société américaine affirme vouloir poursuivre l’État français devant la Cour européenne des droits de l’homme.

Stéphane Bellec avocat propriété intellectuelle

Stephane BELLEC
avocat droit des marques

 

Stéphane Bellec, avocat associé du Cabinet De Baecque Bellec

Avocat Propriété Intellectuelle

sbellec@debaecque-avocats.com

Tél. + 33 (0) 1 53 29 90 00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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