Toute personne peut agir en déchéance de marque !
La Cour d’appel de Paris vient de rappeler un point de procédure intéressant. L’action en déchéance de marque devant le directeur général de l’INPI ne nécessite aucune preuve d’un intérêt à agir. Une différence fondamentale avec l’action judiciaire. Dans une stratégie de libération de marque, un titulaire aura donc tout intérêt à avancer masqué, via un prête-nom, pour obtenir une déchéance administrative.
L’action en déchéance de marque
L’article L 716-3 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que les demandes en déchéance de marque pour non-usage sont introduites devant le directeur général de l’INPI (institut national de la propriété industrielle) par toute personne physique ou morale.
En revanche, une action en déchéance peut être portée devant un tribunal judiciaire par toute personne intéressée. La Cour de cassation avait d’ailleurs reconnu que l’intérêt à agir était présent en cas d’action reconventionnelle en déchéance, liée à une action en contrefaçon.
Ainsi, nul intérêt à agir n’est exigé pour intenter une action administrative en déchéance de marques. Certains en profitent donc pour faire intervenir un tiers, prête-nom, pour ne pas apparaître, comme dans l’affaire ci-dessous…
L’affaire BASTILLE
Le directeur de l’INPI déclare déchu de ses droits le titulaire de la marque BASTILLE pour défaut d’usage sérieux pendant cinq ans. Mécontent, ce dernier porte l’affaire devant la cour d’appel de Paris pour abus de droit et violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
En l’espèce, un projet de publication voit le jour en 2024. Faute de financement, le projet s’arrête après le numéro pilote. En 2016, l’un des porteurs du projet dépose la marque BASTILLE en classe 16. En 2021, le titulaire de la marque découvre qu’un magazine BASTILLE a vu le jour, sous la houlette de son ancien associé.
Une demande d’enregistrement de la marque BASTILLE MAGAZINE est pendante, ainsi qu’une action en contrefaçon des droits d’auteur et parasitisme. En revanche, aucune contrefaçon de marque ne peut plus être invoquée, suite à l’action en déchéance intentée en 2021 par une inconnue…
Le directeur général de l’INPI a tout d’abord refusé de surseoir à statuer, étant donné que l’issue de la procédure en contrefaçon de droit d’auteur est sans incidence sur la demande en déchéance de marque. La demanderesse reconnaît avoir agi pour le compte d’un tiers dont elle refuse de révéler l’identité, au nom du secret des affaires.
La cour d’appel de Paris confirme la décision de l’INPI, le 18 septembre 2024 (n° 23/04582). L’intérêt général commande de rendre disponible à la concurrence un signe protégé qui n’est pas exploité dans la vie des affaires. L’action en déchéance répond à cet objectif d’intérêt général. Il est donc normal que tout personne puisse agir, sans avoir à rendre de compte sur sa motivation.
Le titulaire de la marque BASTILLE ne peut prouver ni l’exploitation de sa marque dans les cinq ans, ni un juste motif justifiant de n’avoir pas exploité ce signe. La demande en déchéance est donc confirmée.
En conclusion, l’action en déchéance de marques, auprès du directeur général de l’INPI, ouvre des perspectives intéressantes dans le cadre d’un projet de marque. Il est ainsi possible de libérer le registre des marques de noms non exploités depuis plus de cinq ans, voire de dépôts défensifs jamais exploités. Dans le cadre d’une stratégie de libération d’un nom, avancer masqué via un tiers de confiance ou un prête-nom, ne pose pas de problème. Cela peut même faciliter les négociations éventuelles. Faites appel à un cabinet d’avocats en propriété intellectuelle pour mettre en place votre stratégie de marque en toute sérénité.
Stéphane Bellec, associé
Avocat Propriété Intellectuelle
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