Le dépôt d’une marque ne constitue pas un acte de contrefaçon

Dans deux décisions récentes, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence, souhaité par les professionnels du droit des marques. Le seul dépôt d’une marque ne peut constituer un acte de contrefaçon, faute d’usage dans la vie des affaires.

dépôt d'une marque seul n'est pas une contrefaçon

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Le dépôt d’une marque, acte de contrefaçon ?

Jusqu’à présent, la Cour de cassation considérait que le seul dépôt d’une marque était suffisant pour constituer un acte de contrefaçon, indépendamment de l’usage du signe dans la vie des affaires. L’acte de dépôt d’une marque portait atteinte en lui-même au droit exclusif du titulaire d’une marque antérieure et causait par conséquent un dommage.

Cette position était critiquée par une partie de la doctrine et certains tribunaux qui refusaient de suivre la Cour de cassation, notamment le tribunal judiciaire de Paris.

En outre, il devenait nécessaire de se mettre en conformité avec la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE). Le droit européen des marques opte pour une vision fonctionnelle du droit des marques. Ainsi, les droits accordés sont assujettis à l’objectif attribué et ne représentent pas un droit absolu. La CJUE a rappelé maintes fois, notamment dans une décision DAIMLER, les 4 critères de la contrefaçon :

  • le signe contrefaisant doit être utilisé dans la vie des affaires ;
  • en l’absence du consentement du titulaire de la marque antérieure ;
  • pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés par la marque antérieure ;
  • et l’utilisation doit provoquer un risque de confusion dans l’esprit du public, ce qui porte atteinte à la fonction essentielle de la marque, sa fonction de garantie de provenance.

Déposer une marque ne constitue plus un acte de contrefaçon

Dans ces deux décisions du 13 octobre 2021, la Cour de cassation affirme ainsi qu’il y a lieu de reconsidérer son interprétation à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.

Dans la première affaire, la société Malongo, titulaire de la marque XPOD pour des machines à café, attaque en contrefaçon et en annulation le titulaire de la marque postérieure ZPOD. La cour d’appel de Paris annule bien cette marque mais refuse de reconnaître un quelconque acte de contrefaçon, la marque contestée n’ayant jamais été utilisée : “Le dépôt d’une marque annulée, qui est réputée n’avoir jamais existé, ne peut à lui seul constituer un acte de contrefaçon”.

Dans la seconde affaire, la famille Albrecht procède à plusieurs dépôts de marque, après la vente de leur domaine viticole et des marques afférentes. L’Institut national de la propriété industrielle (INPI) refuse l’enregistrement de ces marques. L’acquéreur poursuit néanmoins la famille en contrefaçon de marque au motif que le “dépôt d’une marque, même non suivie de son enregistrement, est susceptible, en soi, de constituer un acte d’usage non autorisé d’une marque antérieure et, par là même, un acte de contrefaçon”. La Cour de cassation réfute cet argument.

Ces deux décisions rendues le même jour marquent le revirement de la Cour de cassation : “La demande d’enregistrement d’un signe en tant que marque ne caractérise pas un usage pour des produits ou des services, au sens de la jurisprudence de la CJUE, en l’absence de tout début de commercialisation de produits ou services sous le signe. De même, en pareil cas, aucun risque de confusion dans l’esprit du public et, par conséquent, aucune atteinte à la fonction essentielle d’indication d’origine de la marque, ne sont susceptibles de se produire. Dès lors, la demande d’enregistrement d’un signe en tant que marque ne constitue pas un acte de contrefaçon.

Stephane Bellec Avocat marque

Stephane BELLEC
avocat droit des marques

 

Stéphane Bellec, avocat associé du Cabinet De Baecque Bellec

Avocat Propriété Intellectuelle

sbellec@debaecque-avocats.com

Tél. + 33 (0) 1 53 29 90 00

 

 

 

 

 

 

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