Nom commercial et action en contrefaçon de marque
Les litiges entre noms commerciaux et marques reflètent la complexité du droit des marques et son implication dans la vie des affaires. La cour d’appel de Paris s’intéresse aux hôtels parisiens dans une décision du 6 décembre 2024. Elle conclut que l’exploitation continue, paisible et publique d’un nom commercial paralyse l’action en contrefaçon fondée sur une marque postérieure.

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Nom commercial et marque, des droits coexistants en pratique ?
Deux hôtels parisiens se créent à quelques années d’écart et se dotent de noms quasi-identiques. D’un côté, l’hôtel “Le Marquis” fondé en 2004 dans le XVe arrondissement ; de l’autre côté, l’hôtel “Marquis” créé en 2013 dans le VIIIe arrondissement.
La société mère de la première structure a déposé plusieurs marques LE MARQUIS HOTEL et HOTEL MARQUIS en 2015 seulement. Le propriétaire du second établissement fait enregistrer plusieurs versions de sa marque MARQUIS dès 2011 en classe 43 pour les services d’hébergement et de restauration.
Les hostilités commencent en 2020. L’hôtel créé en premier adresse une mise en demeure à son concurrent. Ce dernier réplique en invoquant la nullité des marques enregistrées en 2015 pour violation de ses marques antérieures. La cour d’appel de Paris rend une décision intéressante le 6 décembre 2024 (n°23/01475).
Le sort des marques postérieures est rapide : des marques quasi-identiques à une marque antérieure pour des services identiques font l’objet d’une annulation logique et conforme au droit des marques. La cour d’appel refuse l’argument tiré de la concurrence déloyale et du parasitisme invoqué par le premier hôtel pour échapper à la nullité de ses marques.
Le nom commercial, droit antérieur sous conditions
La décision de la cour d’appel de Paris est intéressante sur l’action en contrefaçon de marque. En effet, le premier hôtel a invoqué le nom commercial exploité antérieurement pour faire échec à l’action en contrefaçon et poursuivre son exploitation. Des preuves d’usage datées montrent une exploitation de manière continue, publique et non équivoque du nom commercial.
Ce nom commercial exploité constitue un droit antérieur, qui fait échec aux demandes de la société implantée en second lieu. Le premier hôtel implanté n’est donc pas coupable de contrefaçon.
Pour autant, les marques déposées par l’hôtel du 8e arrondissement ne sont pas annulées. En effet, le nom commercial doit avoir une portée qui n’est pas seulement locale, conformément à l’article 711-3 du Code de la propriété intellectuelle. Faute d’invoquer ce point, nous ne connaîtrons pas l’opinion de la cour d’appel de Paris sur ce sujet.
Dernier point, la forclusion par tolérance des marques pendant plus de 5 ans prive le premier hôtel implanté de pouvoir invoquer la nullité des marques.
Finalement, des marques annulées mais pas d’interdiction d’usage du nom, les deux hôtels Marquis sont appelés à coexister. Leur match est nul devant les tribunaux après quatre années de procédure !
Cela démontre trois aspects fondamentaux du droit des marques :
- l’intérêt de déposer une marque en amont du lancement de son activité ;
- l’importance d’une recherche d’antériorités élargie aux droits antérieurs tels que noms commerciaux, dénominations sociales et noms de domaine ;
- l’importance d’une surveillance des marques pour agir rapidement.
De manière générale, l’évolution du droit des marques sous l’influence de la jurisprudence européenne, valide l’importance de l’usage à titre de marque dans la vie des affaires de tout signe dont on entend assurer la défense.
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