Opposition à l’enregistrement d’une marque contenant l’AOP Champagne pour des produits conformes

Le Tribunal de l’Union européenne a tranché l’été dernier une affaire originale : l’opposition à l’enregistrement d’une marque contenant un terme protégé par une AOP pour des produits conformes au cahier des charges. L’appellation d’origine protégée Champagne sabre une nouvelle victoire !   

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Une affaire pétillante d’AOP

En 2019, une société dépose la marque de l’Union européenne NERO CHAMPAGNE pour plusieurs produits et services. 

Le Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC) et l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) forment opposition à l’enregistrement de cette marque. Pour mémoire, l’AOP Champagne bénéficie d’une protection depuis 1973 dans l’Union européenne (UE). Le CIVC mène une défense de l’AOP sur tous les fronts au sein de l’Union européenne, comme à l’international, notamment en Chine

Suite à l’acceptation partielle de l’opposition, la chambre des recours de l’EUIPO (Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle) intervient. Elle rejette l’opposition pour les produits et services conformes au cahier des charges de l’AOP Champagne. Le tribunal de l’Union européenne, dans sa décision du 25 juin 2025 (T-239/23) examine la théorie de la limitation appliquée par la chambre des recours. Il décide de refuser l’enregistrement de la marque pour l’ensemble des produits et services désignés

La théorie de la limitation, une présomption simple 

Le Tribunal rappelle les principes de cette théorie, qui prend son fondement dans les directives de l’Office européen relatives à l’examen des marques. Ainsi, lorsque le libellé d’un dépôt de marque n’inclut que des produits conformes à la spécification de l’AOP, la fonction de l’AOP est garantie. A priori, celui qui enregistre une marque avec une AOP pour des produits conformes ne porte pas atteinte à la réputation de l’appellation. Par conséquent, toute opposition formée à l’encontre d’une telle marque devrait être vouée à l’échec.

Toutefois, le Tribunal considère que l’absence d’atteinte à la réputation de l’AOP est une présomption simple. L’Office doit donc examiner les éléments concrets, étayés et concordants prouvant l’atteinte à la réputation de l’AOP. 

En l’espèce, le Tribunal reproche à l’EUIPO de ne pas avoir justifié si de tels éléments étaient présents. Par conséquent, sa décision manque de motivation ! En effet, le Tribunal relève que le terme NERO désigne des cépages italiens. La marque NERO CHAMPAGNE pourrait donc induire le public pertinent en erreur. En outre, le public parlant italien comprend cette marque comme CHAMPAGNE NOIR, un nouveau risque d’erreur relatif à une nouvelle variété de champagne. 

Cette nouvelle décision devrait inciter les titulaires à une plus grande prudence dans l’enregistrement de marques comportant une AOP. Le fait de couvrir des produits conformes au cahier des charges ne suffit pas à éviter une opposition du CIVC et de l’INAO. La défense des AOP passe aussi par une analyse fine de la signification de la marque comme dans l’affaire NERO CHAMPAGNE. 

Stéphane Bellec avocat propriété intellectuelle

Stéphane Bellec, associé 
Avocat Propriété Intellectuelle

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