Présenter des preuves d’usage de marque exhaustives et chiffrées : l’affaire BIG MAC
Le Tribunal de l’Union européenne (TUE) a récemment tranché un long litige entre McDonald’s et une entreprise irlandaise au sujet de la marque BIC MAC. L’intérêt de cette décision réside dans la précision de l’analyse des preuves d’usage. Une nouvelle fois, il en ressort un point essentiel pour tout titulaire de portefeuille de marques : vous devez présenter des preuves d’usage de marque exhaustives et claires lors d’une action en déchéance ! En particulier, le volume de ventes, la durée de l’usage et sa fréquence devront être justifiés pour conserver sa marque. C’est un point trop souvent négligé par les titulaires de marques renommées.
Comment prouver l’usage d’une marque enregistrée ?
Dans sa décision du 5 juin 2024, le tribunal rappelle les principes clés de la protection accordée aux marques. La déchéance est encourue en l’absence d’usage sérieux pendant un délai ininterrompu de 5 ans dans l’Union européenne pour les produits et services enregistrés. Une déchéance partielle limitée à certains produits est possible.
Les preuves d’usage doivent établir le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage. Les pièces justificatives acceptées sont des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des factures, des catalogues, des photographies, des publicités, etc. Les preuves d’usage reposent donc sur des éléments objectifs et concrets.
Pour la jurisprudence, un usage est sérieux s’il permet à la marque de remplir sa fonction : garantir l’identité des produits et services, écartant ainsi un usage symbolique destiné à maintenir les droits. Il convient donc de prouver que le titulaire cherche à créer ou à maintenir des parts de marché, ledit marché étant apprécié selon sa nature et son volume.
Les tribunaux apprécient l’ensemble des éléments de manière interdépendante. Ainsi, un faible volume de vente peut se compenser par une forte intensité ou une durée pérenne.
Des preuves d’usage insuffisantes pour le BIC MAC
Nous revenons souvent sur ce site sur l’importance du dossier de preuves, la charge de la preuve de l’usage de marque ou encore le rôle de l’avocat en propriété intellectuelle dans une action en déchéance.
Les grandes marques jouent trop souvent sur leur renommée, sans chercher à documenter précisément l’usage de leur marque pour chaque produit et chaque service. Comme McDonald’s dans cette affaire, cela aboutit parfois à une déchéance partielle des droits de marque.
En l’espèce, était-il possible de prouver l’usage du BIG MAC pour des “sandwiches au poulet” et non pas des “sandwiches à la viande » ? Le tribunal rejette les preuves avancées : les affiches publicitaires, copies d’écran des réseaux sociaux et captures d’écran de publicités télévisées en France en 2016 sont insuffisantes. Ces éléments ne permettent pas de quantifier l’usage, ni d’apprécier la récurrence ou la régularité de l’usage.
En complément, le tribunal distingue clairement renommée et usage de marque. Il ne suit pas la Chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) en ce qu’elle a validé le maintien de la marque BIG MAC pour des restaurants. Les preuves d’usage fournies concernent exclusivement des produits BIG MAC et aucunement des restaurants portant ce nom. La marque BIG MAC est donc déchue pour les services de restauration !
Stéphane Bellec, associé
Avocat Propriété Intellectuelle
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