La protection de l’appellation Champagne en Chine
Créée en 1936, l’appellation d’origine contrôlée (AOC) « Champagne » a pour objet de protéger un vin effervescent produit à partir de cépages cultivés dans le nord-est de la France selon des règles de production et d’élaboration très encadrées. Compte tenu du prestige attaché au spiritueux et afin d’éviter que des vins produits à l’étranger ne soient commercialisés sous cette dénomination, la France se bat depuis plusieurs années pour la reconnaissance de l’appellation à l’international. Après la Russie, c’est au tour de la Chine de renforcer la protection de l’appellation Champagne.
La consécration d’une indication géographique
Depuis 2013, la dénomination « Champagne » est enregistrée à titre d’indication géographique en Chine. Cette protection a été reconnue par les autorités chinoises à la demande de l’ancien Président de la République François HOLLANDE et du Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC).
Ce comité rassemble en effet les vignerons ainsi que les maisons de Champagne et est notamment en charge de la valorisation et de la défense mondiale du signe « Champagne » contre les usages abusifs. Il dénonçait depuis longtemps la concurrence déloyale émanant de producteurs et entreprises chinoises. Le CIVC est désormais au centre d’une coopération franco-chinoise, qui permet d’assurer une protection effective de l’appellation « Champagne ».
L’indication géographique (IG) consacrée par la Chine permet en effet de désigner des vins bénéficiant de qualités et de caractéristiques particulières en raison de leur origine française, plus précisément champenoise, ainsi que du savoir-faire des producteurs locaux. Elle permet par conséquent d’interdire l’utilisation du terme « Champagne » pour tout produit, vin ou non, originaire de Chine.
Surtout, la reconnaissance de cette IG s’est accompagnée de la création d’une faculté de saisie de la justice chinoise par le CIVC. Concrètement, le Comité peut saisir les douanes ou juridictions chinoises pour faire interdire la commercialisation de produits étiquetés « Champagne » alors qu’ils ne bénéficient pas de l’AOC/IG.
Malgré cette protection, de nombreux produits demeurent commercialisés en utilisant abusivement le signe « Champagne ». Ainsi en est-il de parfums, de sodas, de mousseux, de jouets, etc. Une jurisprudence récente en témoigne et illustre par là même la volonté des autorités chinoises de renforcer la défense de l’appellation.
Une protection en tant que marque renommée
Parallèlement à la reconnaissance de l’indication géographique « Champagne », le CIVC a obtenu en 2013 l’enregistrement de deux marques collectives chinoises portant respectivement sur ce signe et sa représentation en caractères chinois. Ces marques permettent d’identifier les produits commercialisés par les producteurs de Champagne français, représentés par le CIVC. Mais elles désignent uniquement les vins et produits vinicoles (classe 33 de la Classification de Nice). Jusqu’alors, leur protection ne s’étendait donc qu’à ces produits, conformément au principe de spécialité.
Par un jugement du 15 mars 2022, les juridictions chinoises ont toutefois jugé que les marques chinoises « Champagne », dont le CIVC est titulaire, sont des marques renommées. Par conséquent, elles bénéficient désormais d’une protection étendue aux produits et services non similaires ou identiques à ceux qu’elles désignent.
En l’occurrence, le CIVC a assigné deux entreprises de cosmétique chinoises, dites « Guangzhou Xuelei » et « Yali Shadi », pour contrefaçon de marque. En effet, ces dernières produisaient et distribuaient des parfums étiquetés « Champagne Life » et « Champagne in Chinese ». Le CIVC a considéré que la reproduction à l’identique du terme « Champagne » portait atteinte au caractère distinctif de l’indication géographique ainsi que de la marque éponymes. Il a également relevé que, du fait de cet usage, les entreprises concernées bénéficiaient indûment de la notoriété attachée à ce signe.
Les juridictions chinoises ont suivi cette argumentation. D’une part, elles ont relevé que le signe « Champagne » est exploité depuis de nombreuses années par les membres du CIVC, et ce, à titre commercial. D’autre part, elles ont constaté qu’il bénéficie d’une réputation mondiale très importante et est connu d’une très large fraction du grand public. Par conséquent, les marques « Champagne » sont des marques renommées.
Dès lors, l’usage du signe « Champagne » par des entreprises tierces est de nature à induire le public en erreur quant à l’origine des produits en cause, et ce, même s’ils n’entretiennent aucun rapport avec les vins. Les entreprises en cause ont donc été condamnées pour contrefaçon.
La décision renforce considérablement la protection du signe « Champagne » en Chine. Un appel ayant été interjeté, il faudra toutefois attendre qu’une décision définitive confirme le nouveau statut des marques chinoises « Champagne ».
Patience, donc, avant de sabrer le Champagne.
Stéphane Bellec, avocat associé du Cabinet De Baecque Bellec
Avocat Propriété Intellectuelle
Tél. + 33 (0) 1 53 29 90 00
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