Pourquoi surveiller vos marques ? Une illustration avec Canada Goose
La protection d’un portefeuille de marques nécessite des enregistrements réfléchis quant à l’étendue géographique et la couverture des produits et services exploités. Hélas, c’est insuffisant. Une surveillance étroite des dépôts de marques par des concurrents permet d’agir sans tarder notamment par le biais d’opposition. Faute d’action rapide, vos actions deviennent irrecevables : c’est la forclusion par tolérance. Illustration avec la célèbre marque canadienne Canada Goose.

Des dépôts de marque successifs
Une société française de prêt-à-porter enregistre une première marque SWEET PANTS en 2012, puis deux nouvelles marques semi-figuratives en 2020.
En 2021, la société CANADA GOOSE en France assigne en contrefaçon cette société et demande la nullité des 3 marques.
La cour d’appel de Paris, dans sa décision du 11 juin 2025, reproche au demandeur d’avoir toléré l’existence des marques pendant trop d’années sans agir.
La forclusion par tolérance en matière de marques
L’article L 716-4-5 du code de la propriété intellectuelle (CPI) rend irrecevable toute action en contrefaçon à l’encontre d’une marque si le demandeur a toléré pendant une période de cinq années consécutives l’usage de la marque postérieure en connaissance de cet usage, hors mauvaise foi lors du dépôt. L’article L.716-2-8 du CPI prévoit une règle similaire pour l’action en nullité.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a créé quatre conditions pour la forclusion par tolérance dans son arrêt du 22 septembre 2011 :
- la marque postérieure doit être enregistrée,
- le dépôt est réalisé de bonne foi,
- le titulaire de la marque postérieure exploite sa marque dans l’État membre d’enregistrement ;
- le titulaire de la marque antérieure a connaissance de l’enregistrement et de l’usage de cette marque.
Par conséquent, l’action n’est pas forclose s’agissant des deux marques enregistrées en 2020 et attaquées l’année suivante.
Concernant la marque de 2012, enregistrée de bonne foi, la cour s’intéresse aux deux autres conditions :
- L’usage sous une forme modifiée, sans altérer les éléments substantiels, est possible. En l’espèce, la différence se situe entre la répétition de SWEET PANTS à la place de la mention “SINCE 1982”.
- Le demandeur a d’ailleurs dès 2016 mis en demeure de cesser cet usage de la marque…sans poursuivre son action. La société attaquée a exploité sa marque sans discontinuité depuis 2012, avec une importante campagne de communication en 2014. La société Canada Goose, active dans la défense de son portefeuille de marques, a donc nécessairement eu connaissance de l’existence de cette marque avant le 1er octobre 2016, soit 5 ans avant l’assignation.
Par conséquent, la cour considère que cette exploitation continue et publique de la marque depuis 2012, devenue massive à partir de 2014 rend certain le fait que CANADA GOOSE ait eu connaissance de l’existence de cette marque avant le 1er octobre 2016.
Cette décision rappelle l’intérêt d’une surveillance effective des dépôts de marque mais aussi de l’exploitation des signes par vos concurrents. En outre, vous devez agir immédiatement après une mise en demeure infructueuse. Faute de quoi, la tolérance s’avère fatale. Nos équipes assurent surveillance et propositions d’action adaptée à chaque situation dans les meilleurs délais.

Stéphane Bellec, associé
Avocat Propriété Intellectuelle
sbellec@debaecque-avocats.com
Tél. + 33 (0) 1 53 29 90 00