Usage antérieur au dépôt de marque : l’affaire DRACULA 

Des friandises Dracula donnent l’occasion à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de revenir la notion d’usage antérieur à un dépôt de marque. Dans cette décision du 1er août 2025, elle affirme la primauté de la marque déposée sur l’usage du signe antérieur. Une solution déjà retenue par les tribunaux français de longue date. 

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L’exclusion du droit des marques finlandais

Une première société finlandaise utilise le nom Dracula pour distribuer des friandises. En 2003, une autre société finlandaise dépose la marque DRACULA pour des produits identiques. En 2019, la première société, rachetée par un groupe, développe la commercialisation des bonbons et attire l’attention du titulaire de la marque enregistrée. 

Celui-ci le poursuit en contrefaçon de sa marque en 2020. En défense, la société fait valoir la tolérance de la coexistence des signes depuis de nombreuses années. L’inaction du titulaire de la marque conduirait à la forclusion de son action en justice.  

La justice finlandaise reconnaît que l’usage d’un même nom pour des produits identiques entraîne un risque de confusion pour le consommateur. Toutefois, elle estime que l’absence de droits exclusifs sur le nom par la première entreprise rend le droit des marques inapplicable

Le tribunal applique donc le droit privé qui impose à une partie d’agir dans un délai raisonnable. Or, la tolérance de l’usage du terme Dracula pendant de longues années prive désormais la société d’agir en contrefaçon. 

Ce litige parvient devant la Cour suprême finlandaise, qui pose une question préjudicielle à la CJUE : la directive européenne sur les marques s’oppose-t-elle à l’application d’un principe général national dans un litige de contrefaçon de marques. 

La décision de la CJUE sur l’usage antérieur au dépôt de marque

La CJUE commence par rappeler que la forclusion par tolérance d’une marque, au sein de la directive, n’a pas vocation à couvrir le cas d’un signe non protégé par un droit exclusif. 

La Cour énonce ensuite que l’usage antérieur au dépôt de la marque Dracula n’a conféré aucun droit exclusif sur ce nom, du seul fait de cet usage. Or, dans un litige relatif aux droits exclusifs de la marque, une juridiction nationale ne peut écarter les règles spécifiques attachées à ce droit.

L’article 10 de la directive 2015/2436 s’oppose à l’applicabilité d’un principe général de droit national qui prévoit la forclusion du droit du titulaire d’une marque enregistrée d’interdire l’usage par un tiers d’un signe. Sauf dans les cas visés par l’article 18 de cette même directive (forclusion par tolérance). 

Le titulaire de la marque DRACULA enregistrée peut donc agir en contrefaçon contre l’usage d’un nom identique. 

Cette décision de la CJUE (C-452/24, EU:C:2025:618, Lunapark Scandinavia Oy Ltd / Hardeco Finland Oy) rappelle plusieurs points importants : 

Le contraire aboutirait à différencier la protection dont jouit une marque enregistrée selon les États-membres. 

Enfin, il convient de tenir compte des conditions strictes d’application de la forclusion par tolérance des marques. Ces conditions ont déjà fait l’objet de plusieurs contenus sur ce site : 

Stéphane Bellec avocat propriété intellectuelle

Stéphane Bellec, associé 
Avocat Propriété Intellectuelle

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