Peut-on utiliser une marque dans une annonce Google ?
SUJET : DROIT DES MARQUES / PUBLICITE. La vente de la marque d’un tiers comme mot-clé d’une annonce publicitaire pourrait engager la responsabilité des moteurs de recherche comme Google. Une nouvelle proposition de loi souhaite en effet interdire cette pratique. Les tribunaux sanctionnent déjà les annonceurs pour l’usage d’une marque enregistrée dans le contenu d’une publicité. Très récemment, la cour d’appel de Paris a sanctionné le site RUE DU COMMERCE pour usage d’une marque enregistrée dans des Google ads et dans le contenu de son site pour son référencement naturel. L’utilisation d’une marque enregistrée, en SEA comme en SEO, n’est pas libre !
Pourquoi acheter la marque d’un tiers dans une publicité Google? Les enjeux
Quels sont les enjeux ? Les publicités sur Google (Google Ads, anciennement Adwords) génèrent 70% du chiffre d’affaires de la société américaine dans le monde, soit 22 milliards de dollars en 2017. Sa position de leader reste incontestée avec 91% des recherches effectuées en France sur un moteur de recherche. Le classement des résultats naturels (sans paiement publicitaire) fait appel à un algorithme de plus de 200 critères évolutifs et à l’alchimie tenue secrète. Les cinq premières places de ces résultats dits naturels obtiennent quasiment tous les clics.
A court terme, l’achat d’annonces publicitaires peut permettre d’obtenir une présence en première page. Ce SEA ou search engine advertising est-il libre de toute contrainte juridique ? Peut-on acheter des publicités pour tous les mots-clés ? Financer des Google Ads pour un mot-clé correspondant à une marque concurrente doit-il être assimilé à une pratique déloyale ? Qu’en est-il des marques utilisées pour optimiser son référencement naturel ou SEO ?
Acheter une marque concurrente comme mot-clé de Google Ads est-il licite? Etat de la jurisprudence
Depuis dix ans, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) rejette toute responsabilité des moteurs de recherche. Dans une décision célèbre du 23 mai 2010, elle considère que l’affichage d’annonces à partir d’un mot-clé stocké ne constitue pas un usage à titre de marque.
Si Google n’est pas contrefacteur, les annonceurs peuvent être reconnus coupables de contrefaçon à certaines conditions. C’est le cas lorsque la marque concurrente est également reprise dans l’annonce publicitaire ou lorsque l’annonce porte atteinte à l’une des fonctions de la marque (CJUE, 22 septembre 2011, INTERFLORA).
Tel est le cas si la publicité affichée «ne permet pas ou permet difficilement à un internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir» si ces produits proviennent du titulaire de la marque enregistrée. Une atteinte à la fonction d’investissement de la marque est possible si l’usage dans la publicité gêne le titulaire de la marque enregistrée pour «acquérir ou conserver une réputation susceptible d’attirer et de conserver les consommateurs».
Il convient donc de distinguer l’achat d’un mot-clé correspondant à la marque d’un concurrent pour proposer ses propres produits de la reproduction d’une marque concurrente dans le texte de l’annonce publicitaire.
Les tribunaux français ont suivi la jurisprudence européenne dans plusieurs affaires :
- absence de contrefaçon lorsque la marque est achetée comme mot-clé mais n’est pas reprise dans l’annonce. Pas d’atteinte à la fonction d’origine de la marque (Cour de cassation, 25 septembre 2012, AUTO IES) ;
- absence de concurrence déloyale lorsque la marque achetée comme mot-clé sans reprise dans l’annonce n’entraîne pas de confusion (CA Bordeaux, 29 juin 2016) ;
- contrefaçon lorsque la marque est utilisée par un tiers dans l’accroche de l’annonce publicitaire (CA Versailles, 21 juin 2016) ;
Utilisation d’une marque enregistrée en SEO et en SEA
Très récemment, la cour d’appel de Paris a condamné le site RUE DU COMMERCE à indemniser le titulaire de la marque CARRE BLANC : l’utilisation d’une marque enregistrée dans les annonces payantes ainsi que pour le référencement naturel ou SEO (Search Engine Optimization) constituent des actes de contrefaçon, dès lors que le site ne vend aucun produit de la marque (CA Paris, 5 mars 2019, CARRE BLANC).
Une proposition de loi pour réglementer l’usage des marques dans les annonces des moteurs de recherche
Cette proposition de loi N°1715 suggère la création d’un nouvel article 8-1 au sein de la LCEN, la loi
pour la confiance dans l’économie numérique (Loi N°2004-575 du 21 juin 2004) :
«Les services de commerce électronique consistant à fournir des outils de recherche en ligne ne peuvent vendre les mots-clés associés aux noms de marques enregistrés dans le cadre du code de la propriété intellectuelle à des personnes physiques ou morales autres que celles détenant un droit de propriété sur cette marque en vertu du même code.»
Cette proposition est actuellement renvoyée à la commission des affaires économiques. Elle rendrait responsable les moteurs comme Google de la vente de mots-clés correspondant à des marques enregistrées.
Quelle est la position du moteur de recherche incontournable ? Aujourd’hui, ses conditions générales comportent déjà des règles en matière d’utilisation des marques et de contrefaçon de produits. Concernant les marques dans l’Union européenne, Google prévoit « en cas de réclamation valide dans ces régions, nous mènerons une enquête limitée afin de déterminer si la combinaison d’un mot clé et d’une annonce contenant une marque est effectivement susceptible de tromper les internautes sur l’origine des produits et services présentés».
Pour vous accompagner dans la défense de vos marques, que ce soit en matière de publicité ou sur les réseaux sociaux, contactez un avocat expérimenté :
Stéphane Bellec, avocat associé du Cabinet De Baecque, Fauré, Bellec
Avocat Propriété Intellectuelle
Tél. + 33 (0) 1 53 29 90 00
Étiquettes : Internet, Référencement, SEO