La circulation des biens culturels : actualités 2021

La circulation des œuvres d’art en Europe connait deux évolutions. D’une part, la France a récemment réformé les seuils de demande de certificats d’œuvres d’art. D’autre part, la mise en œuvre du règlement communautaire de contrôle d’importation des biens culturels du 17 avril 2019 se rapproche.

Cette chronique juridique est parue dans le bulletin de liaison N°5 de la Chambre nationale des experts spécialisés en objets d’art et de collection (CNES). 

circulation des biens culturels actualité et chronique juridique CNES

Le nouveau décret

Avec quelques jours de retard, le ministère de la culture a fêté Noël en offrant au marché de l’art le décret du 28 décembre 2020, assouplissant le régime de circulation des biens culturels.

Augmentation des seuils

Chacun sait que l’exportation de biens culturels est soumise à un certificat d’exportation pour les biens importants, définis selon trois critères : des catégories d’objets (antiquités, tableaux de plus de cinquante ans, archives… ), leur ancienneté et des seuils de valeurs. La problématique d’un seuil est qu’il ne satisfait jamais personne. Les partisans du contrôle le trouveront trop élevé, ceux de la liberté trop contraignant. Il faut donc trouver des compromis.

En l’occurrence, les seuils de valeurs ont été relevés pour certaines catégories d’œuvres. Un tableau détaillé est publié dans cette lettre d’information. Nous nous limiterons donc à constater que les changements sont assez limités en pratique. L’augmentation la plus significative porte sur les tableaux et peintures de plus de 50 ans dont le seuil passe de 150 000 à 300 000 euros et celui des dessins de plus de cinquante ans qui est porté de 15 000 à 300 000 euros. Cela reflète l’impact de l’inflation et l’évolution des prix. Ces évolutions sont utiles. Par analogie l’Italie a dû attendre un décret du 17 mai 2018 pour introduire un seuil financier qui reste très bas : 13 500 euros.

Facilitation des importations temporaires

Le délai de dispense de certificat pour les importations temporaires est porté à deux ans. Cette modification est bienvenue car elle simplifie le quotidien des marchands et maisons de vente qui veulent importer provisoirement un objet pour le vendre, l’exposer ou le restaurer en France, sans être soumis à des contraintes lorsqu’il repart.

Simplification de l’instruction des dossiers

Enfin l’instruction des dossiers est simplifiée par la possibilité de traiter la demande de certificat par lettre recommandée électronique en lieu et place des traditionnelles lettres recommandées avec accusé réception. L’adaptation au digital est heureuse.

Ainsi, le décret concrétise manifestement une simplification des démarches de demande de certificat, sans opérer une véritable révolution. Les seuils sont légèrement relevés, la contrainte administrative allégée. Le cadeau de Noël reste modeste. Le paradoxe est que cette libéralisation française limitée va à contre-courant d’un renforcement des procédures communautaires.

 

Le règlement communautaire

Par un règlement communautaire du 17 avril 2019, l’Union européenne instaure un contrôle de l’importation des biens culturels provenant des pays tiers (les échanges intra-communautaires ne sont donc pas concernés). Le but est de « protéger le patrimoine culturel de l’humanité » et la « prévention du commerce illicite de biens culturels« , en particulier lorsque celui- ci est susceptible de participer au financement du terrorisme. Il est vrai que le financement du terrorisme pourrait être assuré par des fouilles sauvages en Syrie et en Irak.

Le texte impose à l’importateur de demander dans le pays d’importation une licence d’importation de biens culturels ou de déclarer une importation. Le régime applicable, comme pour le décret français, dépend de trois critères : nature du bien culturel importé, ancienneté et valeur. Il est d’une grande complexité. Sont distinguées trois grandes catégories.

Les produits archéologiques ou les éléments provenant du démembrement de monuments artistiques ou historiques et des sites archéologiques de plus de 250 ans sont soumis à une licence, sans condition de valeur. Ainsi l’ importation est soumise à une licence préalable de l’Etat d’importation.

La rigueur imposée à cette catégorie de bien culturels démontre que la finalité principale du règlement est de lutter contre les fouilles archéologiques illicites, très vulnérables.

Les autres biens de plus de 200 ans et d’une valeur supérieure à 18 000 euros sont soumis à une simple déclaration. Enfin, les biens de moins de 200 ans ou d’une valeur inférieure à 18 000 euros circulent librement.

Par souci de simplification, des dispenses de formalités sont prévues en raison des modalités particulières d’importation d’un bien : c’est notamment le cas des biens en admission temporaire pour présentation à des foires commerciales d’art (Fiac, ex-biennales, salons divers…), importation à des fins de restauration ou scientifiques.

De manière paradoxale, le règlement est d’application théoriquement immédiate au 28 juin 2019 mais, en pratique, subordonné à la mise en place d’un dispositif électronique de gestion des licences et déclarations d’importation, au plus tard le 28 juin 2025. Presque deux ans plus tard celui-ci n’étant pas encore mis en œuvre, le texte n’est pas à ce jour opposable. Enfin, chaque État membre détermine les sanctions applicables. La France ne l’a pas encore fait.

 

Conclusion

Ces réglementations ont des finalités différentes : protéger le patrimoine français pour le décret ; empêcher le trafic illicite pour le règlement communautaire. Il est tout de même regrettable qu’une meilleure coordination ne soit pas recherchée. La France allège les contraintes tandis que la Communauté les renforce. Mais surtout les catégories d’œuvres et les seuils sont différents, ce qui est source de complexité.

 

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Olivier de Baecque
avocat droit de l’art

 

Olivier de Baecque, avocat associé du Cabinet De Baecque, Fauré, Bellec

Avocat Propriété Intellectuelle

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Tél. + 33 (0) 1 53 29 90 00

 

 

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