Référence de la marque d’un tiers : nouvelle illustration de la cour d’appel de Paris
Une décision récente de la cour d’appel de Paris nous donne l’occasion de revenir sur la nécessaire référence à la marque d’autrui. Cette notion ancienne en droit des marques constitue une exception au monopole conféré par le droit de propriété intellectuelle. Un tiers peut ainsi faire référence à la marque protégée d’autrui pour informer le public, dès lors que cette référence est nécessaire et loyale.
Faire référence à la marque d’un tiers est possible
L’article L 713-6 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) prévoit qu’un titulaire ne peut interdire l’usage de sa marque par un tiers, conformément aux usages loyaux du commerce. Tel est le cas lorsque cet usage est nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoire ou pièce détachée.
La référence nécessaire à la marque d’autrui constitue donc une exception au monopole des marques. Par conséquent, cette notion est d’interprétation stricte :
- elle doit être absolument indispensable à l’information du public ;
- elle ne doit pas créer de confusion entre les activités des deux entités.
Cette référence nécessaire est une notion ancienne. La décision GILLETTE de la CJCE en 2005 constitue un arrêt décisif en la matière. L’utilisation de la marque par un tiers doit être nécessaire pour indiquer la destination du produit qu’il commercialise, en tenant compte de la nature du public et du caractère indispensable à une information compréhensible et complète.
En outre, l’utilisateur a une obligation de loyauté envers le titulaire de la marque. La décision de la CJCE liste quelques-uns des comportements déloyaux :
- Donner l’impression qu’il existe un lien commercial entre le tiers et le titulaire de la marque.
- Affecter la valeur de la marque en tirant indûment profit de son caractère distinctif ou de sa renommée.
- Entraîner un discrédit ou le dénigrement de ladite marque.
- Présenter son produit comme une imitation ou une reproduction du produit revêtue de la marque dont il n’est pas le titulaire.
Les apports de la jurisprudence sur la notion de référence nécessaire à une marque
La cour d’appel de Paris, dans sa décision du 21 février 2024 relative à la contrefaçon des marques XP et DEUS, confirme sa jurisprudence antérieure. Le rôle des tribunaux est d’analyser à chaque fois l’utilisation réelle et ses caractéristiques. Nous l’avions déjà évoqué dans l’affaire THERMOMIX.
En l’espèce, une publicité pour un casque compatible avec l’oreillette DEUS affichait 3 images différentes pour symboliser le mouvement de fixation des deux produits ensemble. En outre, l’oreillette DEUS s’affichait en transparence par rapport au casque, indiquant ainsi que les deux produits n’étaient pas vendus ensemble. Aucune confusion n’existe dans cette publicité, qui ne prétend aucunement que l’écouteur DEUS soit proposé à la vente.
En revanche, un an plus tôt, le 17 mars 2023, cette même cour se montrait plus circonspecte en matière de reproduction du logo d’une marque. Elle rejetait la contrefaçon pour référence nécessaire à la marque : un organisme doit nommer le logiciel sur lequel il dispense sa formation, seul moyen d’informer le public de manière compréhensible et complète. L’organisme ne suggère aucun lien commercial entre les deux entreprises. Toutefois, nul besoin de reproduire la marque semi-figurative du logiciel.
L’usage d’une marque semi-figurative ou d’un logo est donc plus incertaine que l’image du produit lui-même. Un cabinet d’avocat peut être de bon conseil avant toute publicité. Ensemble, nous évaluons le risque de contrefaçon au regard de la jurisprudence.
Stéphane Bellec, associé
Avocat Propriété Intellectuelle
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