La revendication des œuvres d’art en dépôt dans le cadre des procédures collectives

La crise sanitaire consécutive à la pandémie de Covid-19 a eu des répercussions directes sur le marché de l’art. Avec le report des ventes aux enchères publiques, expositions et foires d’art, de nombreux professionnels ont été fragilisés et subissent désormais d’importantes difficultés financières. À titre d’illustration, le Comité professionnel des galeries dart a récemment indiqué que plus d’un tiers de ses adhérents déclare être confronté à un risque de fermeture dans l’année à venir. Certains acteurs du marché de l’art ont été placés en procédure collective. D’autres suivront. Par ricochet, les déposants d’œuvres (confrères marchands, collectionneurs ou artistes) sont à risque : ils veulent la restitution de leurs œuvres ou le paiement des ventes. Nous détaillons toutes les modalités de la revendication d’oeuvres d’art en dépôt dans le cadre d’une procédure collective. 

la revendication de oeuvres d'art en dépôt lors des procédures collectives

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Les artistes, dont les revenus dépendent presque exclusivement des ventes de leurs œuvres, se retrouvent corrélativement en danger.

Le premier problème d’importance pour un auteur plasticien est de récupérer les œuvres déposées à une société placée en procédure collective. La même problématique se pose pour le collectionneur ou le marchand d’art qui a confié un objet à un confrère.

Comment récupérer leurs œuvres en dépôt ? Le droit commun de la procédure collective permet de revendiquer les œuvres déposées chez un professionnel en difficulté, afin d’en obtenir la restitution en nature ou en valeur.

Demande de restitution de l’œuvre d’art en nature ou en valeur

En effet, le propriétaire d’un bien meuble (tableau, sculpture, mobilier, objet d’art…) peut déclarer son droit de propriété à la procédure collective d’une entreprise en difficulté, lorsque celle-ci le détient à titre précaire. Il dispose du droit d’en solliciter la restitution en nature ou en valeur (articles L.624-9, L.631-18 et L.641-14 du Code de commerce).

La revendication ou la demande de restitution du bien meuble doit s’accompagner de la démonstration cumulative (i) du droit de propriété dont bénéficie l’auteur, ainsi que (ii) de son identification et de son existence en nature, dans le patrimoine de l’entreprise en difficulté. La satisfaction de ce dernier critère est appréciée au jour de l’ouverture de la procédure collective. Par ailleurs, la preuve en est rapportée par référence à l’inventaire du patrimoine du débiteur obligatoirement établi à l’ouverture de la procédure collective. À défaut, elle peut être établie par la production de bons de dépôts, de bons de livraison, de factures, voire de bons de commande. Il est donc fondamental de faire systématiquement constater les dépôts par un écrit signé du dépositaire.

Il est impératif que l’auteur s’assure du respect de l’obligation d’inventaire lors de l’ouverture de la procédure collective. L’auteur peut toutefois éprouver des difficultés à contacter les organes de la procédure et à connaître son état d’avancement. Il doit en toute hypothèse également veiller à recueillir scrupuleusement tous les moyens de preuve de sa propriété sur le bien meuble qu’il revendique, ainsi que de l’existence de celui-ci en nature entre les mains du débiteur.

Dans l’hypothèse où le bien aurait été revendu par le débiteur avant son placement en procédure collective et si son prix n’a pas été payé à cette date, la revendication se reporte naturellement sur la créance du prix de revente. Ainsi, l’artiste non payé par une galerie qui serait en procédure collective conserve une chance d’être payé.

L’auteur ne saurait ainsi souffrir de la vente d’un bien dont il était propriétaire antérieurement à l’ouverture de la procédure collective concernée.

Procédure de revendication de l’œuvre d’art

La procédure de revendication se divise en deux phases consécutives, soumises à des délais stricts.

Premièrement, le revendiquant doit procéder à une demande en acquiescement. Il s’agit d’une demande amiable adressée par le propriétaire de l’œuvre revendiquée (artiste, collectionneur…), à l’administrateur judiciaire, au liquidateur ou au débiteur, sous la forme d’une lettre recommandée avec accusé de réception adressée dans un délai de trois mois à compter de la publication du jugement ouvrant la procédure collective. Cette demande peut être être suivie de l’acquiescement de l’administrateur judiciaire, du débiteur ou du liquidateur. Il sera alors procédé à la restitution du bien revendiqué au propriétaire ou au règlement du montant de son prix.

Deuxièmement, faute d’acquiescement dans le délai d’un mois, une phase contentieuse s’ouvre. Le revendiquant devra déposer une requête devant le juge-commissaire. Cette démarche devra impérativement intervenir dans le délai dun mois à compter de lexpiration du délai de réponse, à peine de forclusion. La mise en œuvre efficiente de la procédure de revendication supposera encore une particulière vigilance de l’auteur qui devra agir selon les formes et dans les délais prescrits, mais aussi réunir les preuves lui permettant de se prémunir contre toute contestation des organes de la procédure quant à sa qualité de propriétaire des biens qu’il revendique.

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En conclusion, l’intervention des propriétaires d’œuvres en dépôt à une procédure collective s’avère complexe.

Ils doivent impérativement réagir vite, dès les premières difficultés, pour satisfaire aux formalités et délais inhérents à la procédure de revendication des oeuvres d’art.

La mise en œuvre efficiente de cette revendication supposera une particulière vigilance des déposants, qui devront réunir les éléments de preuves leur permettant de se prémunir contre toute contestation des organes de la procédure quant à leur qualité de propriétaire des œuvres revendiquées.

avocat propriete intellectuelle

Olivier de Baecque
avocat droit de l’art

 

Olivier de Baecque, avocat associé du Cabinet De Baecque, Fauré, Bellec

Avocat Propriété Intellectuelle

odebaecque@debaecque-avocats.com

Tél. + 33 (0) 1 53 29 90 00

 

 

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