Dépôt réitéré de marques et mauvaise foi

Le tribunal de l’Union européenne n’apprécie pas les tricheurs au monopoly. La société titulaire du célèbre jeu de plateau déposait régulièrement la marque MONOPOLY dans plusieurs classes. Cela lui permettait de s’opposer à tout dépôt de marque similaire sans avoir à prouver un quelconque usage. Pour le tribunal de l’UE, c’est un détournement des fonctions de la marque et ces dépôts successifs de marques sont annulés en raison de la mauvaise foi du titulaire. Droit des marques et mauvaise foi ne vont pas ensemble.

dépôts successifs de marques MOnopoly

© dvlcom – stock.adobe.com

Les dépôts successifs de marques

Le droit des marques permet à une personne physique ou morale de revendiquer un droit sur un signe distinctif. La fonction de la marque est de distinguer ses produits et ses services de ceux de ses concurrents. Plusieurs principes régissent le droit des marques de l’Union européenne (UE). Ainsi, la législation prévoit qu’une marque de l’UE doit faire l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne dans les cinq ans suivant son enregistrement. Sinon, la déchéance pour défaut d’usage peut être prononcée de manière partielle, uniquement pour certains produits et services.

Des dispositions similaires sont prévues pour les marques françaises, notamment avec la nouvelle procédure administrative en matière de déchéance de marques, mise en place depuis le 1er avril 2020 et prévue par l’article L 714-4 du CPI.

Or, de nombreuses entreprises exploitent leurs marques pour un nombre de produits plus limités que ceux visés au dépôt. La pratique consistant à réitérer les dépôts de marques tous les cinq ans s’est donc développée auprès de certains titulaires.

En l’espèce, la société Hasbro titulaire de la marque MONOPOLY pratiquait ces dépôts successifs de marques. Ainsi, des marques enregistrées en 1998, 2008, 2009 et enfin 2011 pour divers produits et services ont permis de gagner des procédures d’opposition à l’enregistrement de marques.

 

La mauvaise foi lors du dépôt de marque

Le tribunal de l’Union européenne, statuant en formation élargie, veut stopper ces pratiques de dépôts réitérés de marques. Dans sa décision du 21 avril 2021, il affirme que, si de tels dépôts ne sont pas illicites en eux-mêmes, ils peuvent être annulés sur la base de la mauvaise foi du titulaire au moment du dépôt.

La société Hasbro reconnaît et soutient que certains dépôts de marque évitaient d’avoir à présenter des preuves d’usage lors de procédures d’opposition. La chambre de recours de L’EUIPO avait conclu que le but poursuivi “était bien de tirer profit des règles du droit des marques de l’Union européenne en créant artificiellement une situation dans laquelle elle n’aurait pas à prouver l’usage sérieux”.

La chambre de recours avait donc annulé la marque contestée pour tous les produits et services identiques à ceux couverts par les marques antérieures de Hasbro. Le tribunal suit la même logique en affirmant que l’annulation d’une marque pour mauvaise foi consiste à faire échec aux enregistrements de marque abusifs.

Le tribunal confirme ainsi l’annulation de la marque MONOPOLY, déposée en 2011, pour tous les produits et services déjà couverts par un dépôt antérieur.

 

Si des dépôts successifs de marques demeurent possibles, notamment pour élargir une gamme de produits à succès, le seul but d’éviter une déchéance pour non-usage ne saurait être un objectif à poursuivre. Après avoir affirmé que le dépôt d’une marque sans intention de l’utiliser était constitutif de mauvaise foi (affaire SKY 2020), le tribunal précise sa volonté de mettre un terme à des pratiques jugées contraires aux objectifs poursuivis en accordant une protection spécifique aux marques.

 

Stephane Bellec Avocat marque

Stephane BELLEC
avocat droit des marques

 

Stéphane Bellec, avocat associé du Cabinet De Baecque, Fauré, Bellec

Avocat Propriété Intellectuelle

sbellec@debaecque-avocats.com

Tél. + 33 (0) 1 53 29 90 00

 

 

 

 

 

 

 

Étiquettes : , , ,