Meta-tag : vers une sanction de l’invisible ?

L’utilisation de la marque d’autrui à titre de meta-tag pour améliorer le référencement d’un site web peut être déloyale et parasitaire. La Cour de cassation s’est récemment prononcée sur l’usage d’une marque par des anciens licenciés de cette dernière à titre de méta-tag dans le code source de leur site web (Cass. Com. 7 septembre 2022, n°21-14.495).

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Elle retient que les défendeurs ont manifestement eu l’intention d’orienter l’internaute qui cherche les produits de la marque (litigieuse) vers la page de son site pour se placer indument dans son sillage et tirer profit de sa réputation.

Cette décision inédite semble venir en opposition à la jurisprudence en matière de référencement payant (Google Ads). Selon cette jurisprudence des juridictions européennes, puis françaises, la réservation à titre de mot clé dans un moteur de recherche, de la marque d’un tiers pour une publicité, ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale, sauf à caractériser des procédés déloyaux.

A titre de rappel, le meta-tag permet d’inscrire dans le code source d’un site web un mot clé non visible pour l’internaute pour en favoriser le référencement naturel.

L’usage non autorisé de la marque d’un tiers dans un méta-tag

La société CHORUS, spécialisée dans la signalétique et proposant diverses solutions de communication visuelle, a concédé en licence ses marques « PANO » et « PANO BOUTIQUE » à différentes sociétés.

A défaut d’accord sur un éventuel renouvellement de licence, les concessionnaires n’ont pas souhaité renouveler leurs contrats. Constatant la poursuite de l’utilisation de ses marques par les anciens concessionnaires à titre de méta-tag, la société CHORUS les a assignés devant le tribunal de commerce notamment sur le terrain de la concurrence déloyale et parasitaire.

La société CHORUS reprochait également aux sociétés défenderesses l’emploi du signe « PAO » sur leur site, très proche de leur marque « PANO », caractérisant également selon elle des actes de concurrence déloyale et parasitaire.

La Cour d’appel a pu rappeler la compétence exclusive des tribunaux judiciaires en matière de propriété intellectuelle mais également la compétence du tribunal commercial en cas de demande relevant de la responsabilité contractuelle et délictuelle, y compris sous la forme particulière d’une concurrence déloyale.

La Cour d’appel puis la Cour de cassation doivent par conséquent déterminer si « l’usage {d’un signe} de nature à entraîner la confusion dans l’esprit de la clientèle avec la marque « PANO » qu’ils venaient d’abandonner, outre, pour deux des anciens concessionnaires, le référencement abusif du mot « PANO » dans la page d’accueil de leur site Web, caractérisent des actes de concurrence déloyale et parasitaire ».

La volonté de se placer dans le sillage d’un tiers et de tirer profit de sa réputation : un faisceau d’indices

Deux des anciens licenciés avaient notamment intégré dans la balise du code source de leur site web la marque PANO de la société CHORUS, ce qui avait pour conséquence de diriger les utilisateurs faisant une recherche comportant le mot « PANO » vers leur site web.

La seule insertion de la marque d’autrui à titre de méta-tag ne paraît pas en soi fautive mais doit être caractérisé un rapprochement artificiel, non naturel, avec la marque d’autrui ou une ambigüité du contenu du site.

Les juges du fond ont alors retenu un faisceau d’indices et distingué de multiples usages pour caractériser la concurrence déloyale et parasitaire.

En effet, la Cour a tout d’abord souligné qu’elle était en présence d’anciens concessionnaires d’une marque et d’un usage non autorisé de leur part en l’absence de renouvellement de leur licence.

Ensuite, elle relevait, en sus de l’utilisation du méta-tag PANO, un « référencement abusif du mot PANO dans la page d’accueil de leur site web ».

Enfin, elle soulevait également l’adoption du signe « PAO », très proche de la marque PANO, à titre d’enseigne et de dénomination des sites web créés par les anciens licenciés.

La Cour de cassation conclut que « la concurrence déloyale reprochée par la société Chorus à ses quatre anciens concessionnaires est donc suffisamment établie ».

Finalement, ne s’agissait-il pas, à l’instar du référencement payant Google Adwords, de caractériser des procédés déloyaux ?

On peut donc s’interroger sur l’importance de cette décision au regard de l’évolution de la jurisprudence sur la sanction du méta-tag squatting notamment au vu des faits de l’affaire et du faisceau d’indices pris en compte par les juges du fond.

 

 

diane remy mondange avocat PI

Diane Remy Mondange, collaboratrice

 

 

 

 

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