Quelle est la responsabilité du propriétaire d’un stand aux Puces de Saint-Ouen ? 

Pour mener une guerre aux contrefacteurs, tous les moyens sont bons. Plusieurs marques célèbres avaient obtenu la condamnation du propriétaire d’un stand aux célèbres Puces de Saint-Ouen. La cour d’appel revient sur cette décision : le propriétaire est un intermédiaire. En revanche, le prononcé d’une astreinte est la sanction idéale pour l’inciter à faire cesser le trouble par son locataire, exploitant du stand. La responsabilité du propriétaire se limite donc à agir pour faire cesser et prévenir tout acte de contrefaçon. 

 

contrefaçon aux Puces de Saint Ouen

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Contrefaçon sur le marché aux Puces : retour sur la première décision

Les sociétés NIKE, GIVENCHY, LACOSTE et KENZO ont constaté de longue date la présence d’articles contrefaisants sur certains stands des Puces de Saint-Ouen. En dépit d’opérations anti-contrefaçon menées par les services police et des douanes, les produits demeurent en vente. 

Las de l’inefficacité des mesures habituelles, les titulaires de marques avaient invoqué la responsabilité des propriétaires des stands litigieux. Une première décision de référé avait condamné sous astreinte le propriétaire à fournir le bail et à justifier de mesures prises contre son locataire pour empêcher la poursuite des actes de contrefaçon

Les actes de contrefaçon se poursuivant, les sociétés NIKE et consorts ont attaqué le propriétaire en contrefaçon. Le tribunal judiciaire de Paris, dans sa décision du 6 avril 2021, condamne le bailleur au paiement solidaire des sommes dues par le locataire contrefacteur, s’il ne procède pas à la résiliation du bail et à son éviction du local dans un délai de 10 mois.  

Cette décision sanctionne donc l’inertie du propriétaire d’un local dans lequel des actes de contrefaçon sont reconnus. 

La cour d’appel de Paris revient sur la condamnation du propriétaire

L’article L 716-4-6 du Code de la propriété intellectuelle évoque la possible condamnation sous astreinte de tout contrefacteur ou intermédiaire dont il utilise les services. Les tribunaux peuvent prendre toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits protégés. 

Le Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a déjà interprété le texte de la directive européenne n° 2004/48/CE du 29 avril 2004. Dans une décision du 12 juillet 2011, elle précise que l’exploitant d’une place de marché en ligne peut se voir infliger des mesures visant à mettre fin aux pratiques litigieuses.

Cinq ans plus tard, la CJUE retient la qualification d’intermédiaire au sujet du propriétaire d’une place  de marché physique. La cour d’appel de Paris fait de même au sujet du propriétaire du stand des puces de Saint-Ouen. 

Quelle sanction pour le propriétaire, intermédiaire dans la réalisation d’actes de contrefaçon ? 

Un tribunal peut donc prononcer des injonctions à l’encontre du propriétaire d’un local dans lequel des actes de contrefaçon se produisent. 

Dans les décisions précitées de la CJUE, les injonctions prononcées doivent être “effectives, proportionnées, dissuasives et ne doivent pas créer d’obstacles au commerce légitime”. En aucune façon, elles ne sauraient être excessivement coûteuses, ni induire une surveillance permanente de son locataire. 

En l’espèce, le propriétaire a tardé à divulguer le nom de ses locataires successifs et à procéder à la résiliation du bail. La cour estime qu’une injonction s’accompagne de mesures dissuasives pour être efficaces. Toutefois, assimiler le propriétaire au contrefacteur et lui imposer une solidarité de paiement des condamnations sont des sanctions disproportionnées. Ces sanctions apparaissent punitives et non pas dissuasives. La cour d’appel réforme donc le jugement sur ce point et précise la responsabilité du propriétaire. 

 

Stéphane Bellec avocat propriété intellectuelle

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