Agir en contrefaçon avant qu’il ne soit trop tard !

La Cour de cassation a rappelé dans une récente décision l’intérêt à agir rapidement en contrefaçon. L’action civile en contrefaçon se prescrit selon les règles de droit commun, soit 5 ans. Toutefois, le point de départ de la prescription correspond au jour où le caractère contrefaisant de l’œuvre est admis de manière définitive.

prescription action civile en contrefaçon

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L’action civile en contrefaçon d’une oeuvre

La Cour de cassation, dans sa décision du 15 novembre 2023, s’intéresse à une sculpture de Frédéric Jaeger “La fontaine aux chevaux”. Cette œuvre, exposée à Chantilly, a fait l’objet de plusieurs reproductions sans autorisation de l’artiste.

Le 17 décembre 2008, la cour d’appel de Paris a ainsi reconnu la contrefaçon par une sculpture située dans le jardin d’une société.

En mai 2020, soit près de 12 ans plus tard, l’artiste contacte la société pour faire cesser le trouble et réclamer la réparation amiable de son préjudice. Un an plus tard, en mai 2021, faute de réponse, l’artiste assigne en référé la société en contrefaçon de ses droits d’auteur.

La défenderesse invoque la prescription de l’action, conformément à l’article 2224 du Code civil. La cour d’appel confirme que la prescription quinquennale est bien acquise. Elle fixe le point de départ le jour où la décision de contrefaçon est devenue définitive, soit le 17 décembre 2008.

Mécontent, le sculpteur se pourvoit en cassation. Toutefois, la Cour de cassation confirme la décision d’appel.

L’action civile en contrefaçon se prescrit selon les règles de droit commun

A l’appui de son pourvoi, l’artiste invoquait l’absence de prescription de l’action en contrefaçon en matière de propriété intellectuelle. Selon lui, une action aux fins de faire cesser une atteinte aux droits de l’auteur ne se prescrit pas, “la propriété ne s’éteignant pas par le non-usage”.

La Cour de cassation adopte une autre vision : faute de prescription spécifique, les actions en droit de la propriété intellectuelle suivent le droit commun de la prescription. Ainsi, la prescription extinctive de 5 ans prévue par l’article 2224 s’applique aux actions civiles en contrefaçon.

Le point de départ de la prescription incite à la vigilance

Le point de départ de la prescription quinquennale pose quelques difficultés dans tous les secteurs du droit civil et du droit des affaires.

Ici encore, la première chambre civile suit les juges du fond : le point de départ se situe au moment où le caractère contrefaisant est définitivement acquis. En l’espèce, il s’agit de la date de la décision d’appel.

Le caractère diffus d’un acte de contrefaçon dans le temps pourrait mettre en cause cette analyse. Toutefois, la sécurité juridique s’établit parfois grâce à quelques approximations. En pratique, il est nécessaire d’établir un point de départ pour déterminer si l’action en contrefaçon est ou non prescrite.

Et la conséquence évidente de cette décision est la vigilance des auteurs. Les artistes doivent faire preuve d’une vigilance accrue pour réagir rapidement et faire cesser les atteintes aux droits d’auteur. La difficulté peut venir de la transmission de l’information entre l’auteur et le cessionnaire des droits patrimoniaux sur l’œuvre. Les artistes ne sont pas nécessairement informés des actions en justice intentées sur chacune de leurs œuvres.

 

Stéphane Bellec avocat propriété intellectuelle

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