SUJET : DROIT DES MARQUES

L’utilisation commerciale de son nom de famille lorsque ce dernier est une marque renommée de champagne cédée à des investisseurs est-elle possible ? Les célèbres vignobles français portent souvent le nom de la famille créatrice. Au fil des cessions d’entreprise, l’usage même de son nom peut poser des problèmes comme ceux auxquels la Cour de cassation a été confrontée dans cet arrêt du 10 juillet 2018. Cette décision apporte un éclairage important pour les avocats de marques vinicoles, renommées ou non.

 

marque renommee vin champagne

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Le contexte de la marque vinicole : une affaire de famille

La famille de la célèbre marque de champagne TAITTINGER cède sa société à un groupe d’investisseurs en 2005. Un des enfants, Virginie Taittinger, donne mandat à son père de céder ses parts sociales. Plusieurs clauses encadrent la cession des actifs : une clause de non-concurrence de vingt-quatre mois, des clauses de coexistence de droits et d’usage du nom TAITTINGER.

Virginie Taittinger a travaillé pendant vingt ans dans la société avant d’être licenciée en 2006 par les nouveaux propriétaires. Elle dépose alors la marque « Virginie T » et crée une société pour exploiter une activité de vente de champagnes. Puis elle réserve non seulement le nom de domaine « virginie-t.com » mais aussi plusieurs autres noms de domaine comportant les termes « virginie », « taittinger », « champagne ».

Les avocats de la marque renommée vinicole attaquent cette exploitation. Le tribunal de grande instance de Paris, le 12 février 2015, rejette leurs demandes que ce soit sur la violation des clauses contractuelles interdisant tout usage du nom de famille, l’atteinte à une marque renommée ou le parasitisme.

Toutefois, la cour d’appel de Paris, le 1er juillet 2016, infirme en partie cette décision : si elle rejette toute atteinte à la marque renommée, elle analyse la clause d’interdiction d’usage du nom en une clause d’éviction du fait du vendeur opposable au cédant et condamne Virginie T à cesser tout usage de la marque et des noms de domaine réservés.

La cour de cassation infirme partiellement cette décision, tout en insistant sur la notion de « juste motifs » pouvant permettre l’usage du signe.

Marque renommée vinicole et nom patronymique

C’est sans doute la première fois que la cour de cassation se prononce sur la notion de «juste motif » issue de l’article 5 de la directive européenne. L’article L 713-5 du Code de la propriété intellectuelle protège les marques renommées contre ceux qui tirent profit de cette notoriété dès lors que le public est amené à établir un lien entre les différents signes utilisés.

La Cour de cassation reproche aux juges du fond de ne pas avoir suffisamment caractérisé le juste motif exonératoire dans l’atteinte à la marque renommée.

Il convient donc pour les titulaires de marque renommée et leurs avocats en propriété intellectuelle de bien structurer tout dossier d’atteinte à la marque en apportant :

  • la preuve du caractère renommé de la marque, non contesté en l’espèce ;
  • la preuve de l’atteinte à la marque renommée ;

Puis, il appartient à la partie adverse de montrer l’existence d’un juste motif pour s’exonérer de sa responsabilité.

Faute pour la cour d’appel de l’avoir fait, il y cassation partielle. L’affaire sera donc jugée à nouveau par la cour d’appel de renvoi.

Parasitisme par l’usage de son nom de famille célèbre

La Cour de cassation s’intéresse ensuite au parasitisme, le fait de se placer dans le sillage d’une autre société pour bénéficier à moindre coût de sa notoriété ou de son savoir-faire.

C’est ici la dénomination sociale, le nom commercial et les noms de domaine de Virginie T. qui étaient contestés sur ce fondement.

La cour de cassation reproche à la cour d’appel d’avoir rejeté le parasitisme, sans avoir pas pris en considération le prestige et la renommée du nom Taittinger.

 

Les avocats des marques vinicoles ont une décision supplémentaire pour assurer la défense et la protection de ces marques particulières, pour lesquelles nom de famille viticole, dénomination sociale, appellation d’origine et droit des marques doivent trouver un juste équilibre.

Stephane Bellec Avocat marque

Stephane BELLEC
avocat droit des marques

 

 

Pour contacter Stéphane Bellec, avocat associé du Cabinet De Baecque, Fauré, Bellec

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Tél. + 33 (0) 1 53 29 90 00

 

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